Alia Imad Mahmoud Al-Ghoul, sept ans. Maria Abdullah Abdel Karim Faraj Allah, un an. Hassan Hamza Hassan Al-Amsi, sept mois. Et tous les autres. Selon les chiffres des autorités palestiniennes dans la bande de Gaza, jugés fiables par l’ONU et les principales organisations internationales, plus de 20 000 enfants (et 67 000 personnes au total) ont été tués par l’armée israélienne depuis le début de la guerre dans l’enclave en octobre 2023. Le plus souvent, ils ont péri dans l’anonymat le plus total, sans histoire ni visage, du fait du huis clos médiatique imposé par l’Etat hébreu à la bande de Gaza, interdite d’accès à la presse internationale.
Ce mercredi 8 octobre, deux ans après les attaques du Hamas et le début des opérations militaires de Tsahal, le quotidien britannique The Guardian a donc décidé de publier la liste complète (arrêtée à 18 457 noms, au mois de juillet) des enfants victimes de la guerre israélienne contre le territoire palestinien. Une initiative que le Washington Post, aux Etats-Unis, avait également prise le 31 juillet dernier. Parmi ces enfants, Yaqeen Hammad, dont Libération avait rapporté le décès à la fin du mois de mai. La petite fille de onze ans, connue sur les réseaux sociaux comme «l’influenceuse la plus jeune de Gaza» a été tuée dans un bombardement contre la maison de sa famille à Deir-El-Balah, dans le centre de la bande de l’enclave. Sur sa page Instagram, suivie par plus de 100 000 personnes, elle s’efforçait de témoigner du quotidien sous les bombes des Gazaouis, sans se départir de son optimisme ni de sa bonne humeur.
Sous-estimation
Le Guardian raconte aussi l’histoire d’Elias Osama Izz Al-Din Abu Jamea, seize ans, qui souffrait de handicaps mentaux et physiques et a succombé à une attaque nocturne de drones, le 12 février 2024. Ou encore celle d’Omar Ahmed Abdel Naser Shamlakh, tué le 8 octobre 2023, il y a tout juste deux ans, à l’âge de quatre mois. Dix personnes avaient perdu la vie dans le bombardement de la maison familiale, dont son grand frère Abdel, deux ans. Environ un millier d’enfants âgés de moins d’un an ont été tués en deux ans.
Le chiffre total présenté par les autorités palestiniennes et relayé par le Guardian (18 457 enfants tués) est vraisemblablement largement en dessous de la réalité. Il est obtenu sur la base de l’enregistrement des dépouilles dans les rares hôpitaux encore en activité dans l’enclave palestinienne, lequel donne lieu à la délivrance de certificats de décès. Echappent donc à ce bilan les corps enfouis sous les décombres des bâtiments détruits par les bombardements, dont le nombre est estimé à plusieurs milliers. Les victimes «indirectes», tuées par la famine (environ 150 enfants), le manque d’eau ou les pénuries de médicaments, ne sont pas non plus comptabilisées. Malgré tout, l’ONG Save the Children a établi que 2 % des mineurs de la bande de Gaza avaient été tués depuis octobre 2023.
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«Ciblage direct»
Selon les Nations Unies, par ailleurs, 40 000 enfants de l’enclave ont été blessés depuis le début de la guerre. «Tous les aspects de la vie des enfants sont bouleversés : au-delà des bombes et des évacuations régulières, le tissu social et familial est complètement perturbé. A moyen et à long terme, les conséquences seront énormes. On ne parle pas ici de cas isolés, mais de toute une génération, qui sera marquée à jamais par cette guerre», expliquait au mois de mai, dans un entretien à Libération, la directrice humanitaire de Save the Children dans l’enclave, Rachel Cummings.
Le 16 septembre, dans son rapport historique accusant Israël de commettre un «génocide» dans la bande de Gaza, une commission d’experts indépendants de l’ONU avait dénoncé le «ciblage direct des enfants». «Depuis le 7 octobre 2023, on observe clairement que les forces de sécurité israéliennes ont directement pris pour cible des enfants dans différentes circonstances, avec l’intention de les tuer. Dans tous les cas examinés par la Commission, aucun des enfants ne représentait une menace pour les forces de sécurité israéliennes», relevaient notamment les auteurs.