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Présidentielle

Egypte : Al-Sissi, le président-candidat assuré d’être réélu pour un troisième mandat

L’élection présidentielle commence ce dimanche 10 décembre en Egypte pour trois jours et son issue fait peu de doutes : le dictateur égyptien a tout fait pour être reconduit haut la main.
Des partisans du président Abdel Fattah al-Sissi au Caire le 7 décembre. (Khaled Desouki/AFP)
publié le 10 décembre 2023 à 8h09

Il n’y aura aucune coupure de courant dans toute l’Egypte entre les 10 et 12 décembre, les trois jours où doit se dérouler le scrutin présidentiel, a annoncé le ministre de l’Electricité. Une mesure prise pour assurer les besoins des bureaux de vote dans toutes les provinces du pays. Car depuis juillet, des coupures d’une à trois heures par jour étaient imposées officiellement en raison du manque de gaz pour alimenter les centrales électriques.

Les 60 millions d’électeurs égyptiens appelés aux urnes à partir de ce dimanche seront donc bien éclairés en allant voter pour leur président Abdel-Fattah al-Sissi. Le dictateur égyptien est candidat à un troisième mandat de quatre ans qu’il est certain de remporter, comme lors des précédentes élections de 2014 et 2018 où il avait obtenu 96 % des voix. D’autant que les trois autres candidats, qui se présentent à cette élection semblent faire de la figuration. Ne bénéficiant d’aucun soutien réel dans l’opinion, ces élus représentent des partis alliés à celui du pouvoir au Parlement et sont personnellement redevables à al-Sissi.

Une campagne visant un plébiscite

Le seul véritable opposant au régime, Ahmed al-Tantawi, candidat éphémère à la présidentielle égyptienne, a dû renoncer à se présenter il y a deux mois sous la pression du pouvoir et de la justice. Après un début de campagne prometteuse, ses équipes ont été harcelées par les services de sécurité avant d’être accusées d’avoir falsifié des documents électoraux. Tantawi doit comparaître devant un tribunal pénal pour «diffusion de documents liés aux élections sans autorisation officielle», a indiqué sur X (ex-Twitter) début novembre Hossam Bahgat, l’un des militants des droits humains les plus influents d’Egypte.

Malgré l’assurance de la réélection du maréchal al-Sissi, sa campagne se déploie massivement dans le pays comme pour viser un plébiscite. Affiches et banderoles proclamant le soutien de partis, de comités de quartiers ou de figures locales au président sortant sont partout, avec une contribution forcée des commerçants et hommes d’affaires. Il n’est même pas certain que les électeurs soient ainsi plus mobilisés pour voter. La participation aux précédents scrutins présidentiels n’a pas dépassé 50 %. Et cela malgré un vote quasi obligatoire pour les fonctionnaires et les salariés des entreprises publiques.

Le sucre a augmenté de 275 %

Les Egyptiens sont accablés par la dégradation continue de leurs conditions de vie ces dernières années. Leur priorité numéro un est la situation économique. L’inflation caracole à 40 %, la dévaluation de 50 % a fait flamber les prix et le secteur privé ne cesse de se contracter. Les subventions publiques, elles, disparaissent les unes après les autres sous la pression du Fonds monétaire international (FMI).

Des années d’emprunts colossaux à l’étranger ont laissé l’Égypte avec une lourde dette extérieure et une pénurie de devises fortes nécessaires à l’achat de produits de base. Le prix du sucre a augmenté de 275 % en un an. Le ministre de l’alimentation a appelé les citoyens à la patience pendant une quinzaine de jours, soit au lendemain de l’élection présidentielle. Mais les millions d’Egyptiens en difficulté financière font la queue devant des coopératives gérées par l’État pour essayer d’acheter de maigres rations de sucre subventionné.

Mobilisation contrôlée pour les Palestiniens

Les décaissements d’un programme de soutien financier de 3 milliards de dollars du Fonds monétaire international, signé en décembre 2022, ont été interrompus après que l’Égypte a manqué à son engagement d’adopter un taux de change flexible et de retirer à l’État et à l’armée leur position dominante dans l’économie. Les trois principales agences de notation, Moody’s, S & P et Fitch, ont toutes récemment abaissé la note de la dette souveraine de l’Égypte au niveau de la catégorie «junk» (ordure).

Les Egyptiens sont davantage prêts à se mobiliser en solidarité avec les Palestiniens depuis le début du conflit. Ils adhèrent massivement à la position ferme de leur président contre le projet israélien de déplacer la population de Gaza vers le Sinaï. Une manifestation exceptionnelle a été autorisée, voire organisée par le pouvoir égyptien, le 20 octobre au Caire pour protester contre les attaques israéliennes sur Gaza et soutenir la population de l’enclave palestinienne. Mais quelques centaines de manifestants avaient dérouté le cortège de solidarité avec les Gazaouis vers l’emblématique place Tahrir - où en 2011, des manifestations avaient entraîné la chute du président d’alors, Hosni Moubarak - avant d’être rapidement dispersés.

Depuis, aucun défilé pro-palestinien n’a été autorisé dans le pays où toute manifestation est illégale, comme toute opposition au régime militaire d’Abdel-Fattah al-Sissi, en voie d’être reconduit à la tête de l’Egypte jusqu’en 2028.