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Libération
Reportage

Egypte : le projet de mégacomplexe côtier d’Abou Dhabi, symbole d’un pays au bord du gouffre

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Criblé de dettes, Le Caire a cédé pour 32 milliards d’euros la péninsule de Ras al-Hikma à une société émiratie qui compte y bâtir un complexe touristique géant, suscitant polémiques et craintes dans la région.
La ville démesurée d'Al-Alamein à vocation touristique construite par le gouvernement depuis 2018, sur la route pour se rendre à Ras al-Hikma le 3 mars. (Enzo David/Libération)
par Claude Halini et photos Enzo David
publié le 13 mars 2024 à 20h31

Le site de «l’affaire du siècle», en Egypte, est à l’abri des regards. Le panneau indiquant Ras al-Hikma ne mène aujourd’hui nulle part. La sortie qu’on emprunte à partir de l’autoroute colossale à quatre voies, le long de la côte nord égyptienne, s’arrête au bout de 300 mètres dans les sables. En rebroussant chemin, on découvre à droite, en direction de la mer, une bretelle non asphaltée débouchant sur un village. A l’entrée, un alignement de petites échoppes des deux côtés de la route : des réparateurs de voitures, des vendeurs de petit électroménager ou de matériaux de construction, en pleine activité.

En avançant vers le cœur de la bourgade, des hommes en djellaba, la tête couverte d’un chèche, vaquent à leurs occupations. Le marchand de fruits et légumes protège ses mandarines, courgettes et concombres du soleil avec des parasols blancs. Les petites épiceries sont bien fournies. Le poissonnier à l’étal encore vide attend qu’on lui livre la pêche du jour. Les vendeurs de falafels et foul (fèves sèches cuites) se préparent pour l’heure du déjeuner. Pas une seule femme n’est visible. Seules deux écolières qui rentrent chez elles indiquent que le lieu n’est pas exclusivement peuplé d’hommes.

Un univers en nuances d’ocre, de la terre aux maisons. Difficile d’imaginer que le village, semblable à tant d’autres des régions pauvres d’Egypte, sera englouti dans le projet du plus grand complexe touristique de Méditerranée. Son existence n’est quasiment pas mentionnée dans l’accord i