Il devient le symbole de l’opposition au régime d’Erdogan et sa répression. Accusé de «corruption», emprisonné dimanche 23 mars, Ekrem Imamoglu a été désigné ce lundi 24 mars candidat de son parti du Parti républicain du peuple (CHP) à la présidentielle en 2028 selon un porte-parole du parti, à la suite de primaires organisées la veille. Seul candidat et plébiscité par plus de quinze millions d’électeurs turcs, dont treize millions non-membres du parti, le maire d’Istanbul a donc été investi sans surprise par son camp.
Suspendu de ses fonctions dimanche, le maire d’opposition de la capitale a passé sa première nuit en prison à Silivri, dans l’ouest d’Istanbul. Principal opposant au président turc Recep Tayyip Erdogan, il réfute les accusations et dénonce «une exécution sans procès». «Je suis là. Je porte une chemise blanche et vous ne pourrez pas la salir. Mon poignet est solide et vous ne pourrez pas le tordre. Je ne reculerai pas d’un pouce. Je gagnerai cette guerre», a-t-il dit dans un message transmis par ses avocats.
Vu d'Istanbul
L’arrestation du maire a déclenché une vague de protestation inédite en Turquie depuis le grand mouvement de contestation de Gezi, parti de la place Taksim en 2013. Et la mobilisation ne faiblit pas. Dimanche, comme chaque soir depuis l’arrestation, des dizaines de milliers de personnes ont envahi les abords de l’hôtel de ville d’Istanbul en signe de soutien. De nouveaux appels à manifester ont été lancés pour ce lundi soir à travers le pays pour le sixième jour consécutif.
Mais le régime d’Erdogan a interdit temporairement tout rassemblement dans les trois principales villes du pays. Plus de 1 130 manifestants ont été arrêtés «dans le cadre d’activités illégales» depuis le début du mouvement de protestation mercredi, a annoncé le ministre turc de l’Intérieur, Ali Yerlikaya, ce lundi.
«Atteintes graves à la démocratie»
La police a d’ailleurs procédé à de nouvelles interpellations ce lundi matin, selon des médias turcs. Dix journalistes turcs, dont un photographe de l’Agence France-Presse, ont été arrêtés lundi à leur domicile à Istanbul et Izmir (ouest), troisième ville du pays, a rapporté l’association turque de défense des droits humains MLSA. Dimanche soir, le réseau social X a annoncé que les autorités turques avaient demandé le blocage de plus de 700 comptes.
«L’incarcération du maire d’Istanbul Ekrem Imamoglu ainsi que de nombreuses autres personnalités constituent des atteintes graves à la démocratie», a déploré dimanche soir la diplomatie française, qui avait déjà condamné son arrestation mercredi. À l’unisson, Berlin a fustigé «ceux qui emprisonnent les politiciens de l’opposition et les manifestants», dénonçant également une «atteinte à la démocratie».
Interview
Outre le maire d’Istanbul, près de cinquante co-accusés d’Ekrem Imamoglu ont également été placées en détention dimanche pour «corruption» et «terrorisme», selon la presse turque. Parmi eux figurent deux maires d’arrondissement d’Istanbul, membres eux aussi du CHP. Les deux élus ont été destitués et l’un d’eux, accusé de «terrorisme», a été remplacé par un administrateur nommé par l’Etat, ont annoncé les autorités.
La Bourse d’Istanbul a ouvert dans le vert ce lundi après une chute de son indice vedette de plus de 16,5 % la semaine passée. Le ministre turc de l’Economie, Mehmet Simsek, a toutefois balayé dimanche soir des rumeurs de démission. «Nous sommes au travail et continuerons à prendre toutes les mesures nécessaires au bon fonctionnement des marchés. Je vous en prie, ne croyez pas les fausses nouvelles», a-t-il écrit sur X.
Mise à jour : à 11h59, avec l’ajout du nombre d’arrestation communiqué par le ministère de l’Intérieur turc.