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Libération
Reportage

En Afghanistan, la faim, le froid, et l’effondrement

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Quatre mois après la reprise de Kaboul par les talibans, le pays souffre de famine. L’OMS avance qu’1 million d’enfants risquent la mort à cause de l’hiver, du manque d’argent et des ratés de l’administration, privée d’aide internationale.
Khal Bibi, Afghane veuve et trentenaire sans ressources, avec ses deux filles : Layle, 10 ans, et Salma, 7 ans. (Sandra Calligaro/Libération)
publié le 5 décembre 2021 à 19h48

Dans la pénombre de sa masure en terre, une mère envoie ses deux filles se coucher. Depuis quelques semaines, la trentenaire Khal Bibi a mis en œuvre un terrible rituel pour duper la faim de Layle, 10 ans, et Salma, 7 ans : elle fait bouillir de l’eau à la tombée du jour, car «lorsqu’elles entendent le bruit du réchaud, elles pensent qu’elles vont manger, et elles s’endorment tranquillement». Le matin, les fillettes ont droit à une moitié de naan, rationnement oblige, trempé dans du thé vert. Même pitance à l’heure du déjeuner, si le ramassage des ordures, au milieu des décharges avoisinantes de Bagrami, district à l’est de Kaboul, a payé. Mais il dépasse rarement cent afghanis par jour – moins d’un euro.

Si un mariage se tient dans les immeubles décatis enserrant leur quartier, refuge de déplacés internes depuis cinq ans, les filles sont envoyées mendier du riz à la noce. «On cherche les femmes avec du maquillage dans Kaboul. Elles nous guident jusqu’à la cérémonie», confirme la petite Layle, regard noir d’adulte. Un liseré rose marque sa joue droite, une cicatrice. Lors de sa dernière tentative, la petite mendiante a été battue par d’autres enfants affamés. Le mois dernier, l’Organisation mondiale de la santé a prévenu qu’environ 3,2 millions d’enfants risquaient de souffrir de malnutrition aiguë en Afghanistan d’ici la fin de l’année – dont un million risquant de mourir avec la chute des températures.

Deux millions de veuves

A l’image de celle du pays, la détresse de Khal Bibi ne dat