En résumé
- La France va reconnaître l’Etat de Palestine en septembre à l’ONU, a annoncé Emmanuel Macron jeudi 24 juillet au soir, espérant créer une dynamique collective en ce sens. La décision a aussitôt été décriée par Israël comme une «récompense de la terreur» et «fermement» rejetée par les Etats-Unis.
- Paris coprésidera en septembre avec l’Arabie Saoudite une conférence internationale au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement visant à relancer la solution dite «à deux Etats», palestinien et israélien. La conférence, initialement prévue en juin, avait été reportée à la dernière minute en raison de la guerre entre Israël et l’Iran.
- Cette annonce intervient alors que l’émissaire américain Steve Witkoff a acté jeudi l’échec des pourparlers menés à Doha en vue d’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza. Israël fait face à une pression internationale croissante pour mettre fin aux souffrances des plus de 2 millions d’habitants du territoire palestinien, soumis à un blocus qui les prive d’une aide humanitaire vitale.
- A ce jour, près de 150 Etats ont reconnu un Etat palestinien.
«L’idée française est de créer une dynamique». Spécialiste du Moyen-Orient, Hugh Lovatt estime que l’annonce d’Emmanuel Macron pourrait entraîner d’autres capitales européennes à reconnaître l’Etat palestinien, même si le geste du président français intervient bien tardivement.
Interview
«Les conditions de cette reconnaissance ne sont pas réunies», estiment Les Républicains. «La reconnaissance d’un État de Palestine donnerait une victoire au Hamas, organisation terroriste alors même que les otages ne sont pas libérés», assure la formation politique de droite dans un communiqué publié ce vendredi. En déplacement en Vendée, le président du parti et ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, avait auparavant refusé de s’exprimer sur le sujet. «Le président de la République se retrouve félicité par le Hamas. Ce n’est pas ainsi que la France contribuera à la paix», a déploré sur le réseau social X le chef des députés LR, Laurent Wauquiez.
«Ce qu’il dit importe peu», tacle Trump à propos de Macron. Le président américain minimise les déclarations de son homologue français sur la reconnaissance d’un Etat palestinien, disant qu’elles n’avaient guère «de poids». «Ce qu’il dit importe peu. C’est quelqu’un de très bien, je l’apprécie, mais cette déclaration n’a pas beaucoup de poids», a affirmé Donald Trump à la presse à la Maison Blanche peu avant son départ pour l’Ecosse.
Les socialistes louent «une nouvelle étape vers le chemin d’une solution à deux États». Le groupe Socialistes et apparentés salue une décision «moralement et juridiquement nécessaire» qui représente «une nouvelle étape vers le chemin d’une solution à deux États vivant durablement en paix et en sécurité». Le parti estime aussi dans son communiqué que ce positionnement est aussi «un préalable au rapport de force diplomatique que la France et l’ensemble des pays humanistes doivent engager à l’égard d’Israël et de son gouvernement fondamentaliste, dans l’objectif de mettre fin à la politique génocidaire actuellement à l’œuvre en territoire palestinien». Selon les socialistes, cette reconnaissance «doit dorénavant s’accompagner d’une campagne active des autorités françaises pour convaincre la communauté internationale d’emprunter la même voie».
À lire aussi. Pour Hugh Lovatt, chercheur au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), la décision française de reconnaître l’Etat palestinien est très tardive et doit être accompagnée de mesures concrètes pour renforcer la souveraineté palestinienne. Le spécialiste du Moyen-Orient estime tout de même, auprès de Libération, que l’annonce d’Emmanuel Macron pourrait entraîner d’autres capitales européennes à faire de même.
Interview
La France «réaffirme le droit du peuple palestinien à l’auto-détermination», souligne le ministère des Affaires étrangères. Assurer son engagement pour les droits et la sécurité des Israéliens et Palestiniens tout en condamnant les actions du Hamas : le gouvernement français poursuit le jeu d’équilibriste entamé la veille. Par la reconnaissance de la Palestine, «la France donne raison aux acteurs palestiniens qui ont fait le choix du dialogue et de la paix, contre ceux […] qui ont fait celui de la guerre et du terrorisme», a insisté le Quai d’Orsay dans un communiqué. Il a aussi rappelé la nécessité d’une solution à deux Etats (une conférence en ce sens se tiendra les 28 et 29 juillet à New York). Cet «acte diplomatique fort», censé s’inscrire dans «une dynamique politique globale», doit aussi contribuer à un cessez-le-feu pérenne devant permettre «la libération inconditionnelle de tous les otages, l’entrée massive et sans entrave de l’aide humanitaire, et la stabilisation durable de la bande de Gaza».
Un «acte de responsabilité historique», reconnaît l’association Guerrières de la paix. Le mouvement a salué la décision d’Emmanuel Macron : «un acte de responsabilité historique, dans un moment de désarroi profond et de douleurs immense» au cœur de l’association qui réunit des femmes engagées pour la paix au Proche-Orient. «La solution à deux Etats a toujours été au cœur de notre combat». L’organisation menée par la militante Hanna Assouline souligne l’ouverture «d’une voie diplomatique […] de l’espoir, de la reconnaissance mutuelle». Elle déclare que cette perspective est «l’ennemie jurée des extrémistes : de l’extrême droite messianique fasciste en Israël» et «des terroristes du Hamas qui ne prospèrent que sur la haine.»
L’ambassadeur des Etats-Unis en Israël raille Macron qui n’a pas donné la localisation du futur Etat palestinien. Mike Huckabee a ironisé ce vendredi sur le fait que Macron n’avait pas précisé où serait situé le futur Etat de Palestine. «Je peux désormais révéler en exclusivité que la France offrira la Côte d’Azur», a persiflé l’ambassadeur américain en Israël sur X. Et de proposer un nom pour le futur Etat : «Franc-en-Stine.»
Moyen-Orient
Le Consistoire central et le Grand Rabbin de France critiquent un geste «prématuré». Pas de reconnaissance sans conditions, défendent le Consistoire central israélite et le Grand Rabbin de France, Haïm Korsia. Dans un communiqué diffusé ce vendredi matin, ils évoquent la «profonde inquiétude de la communauté juive» du pays suscitée par la déclaration d’Emmanuel Macron. Ils jugent ce geste «prématuré», qui pourrait avoir, selon eux, «de lourdes conséquences pour la sécurité des Juifs en Israël comme en France si elle n’est pas assortie de conditions préalables». A savoir la libération les otages israéliens, le désarmement du Hamas et la reconnaissance de l’État d’Israël «par tous ses voisins».
Berlin «n’envisage pas de reconnaître un Etat palestinien à court terme». L’Allemagne ne va pas suivre les pas de la France, du moins pas tout de suite. Elle «n’envisage» pas «de reconnaître un Etat palestinien à court terme». Berlin, qui rappelle que la sécurité d’Israël «revêt une importance primordiale», considère ce geste comme «l’une des dernières étapes vers la solution à deux Etats». La diplomatie allemande avait exprimé cette position début juin : reconnaître actuellement un Etat de Palestine serait, selon elle, un «mauvais signal» envoyé dans le contexte des négociations entre Israël et les Palestiniens.
Mahmoud Abbas salue «une victoire pour la cause palestinienne». Le président de l’Autorité palestinienne loue, sans surprise, l’annonce d’Emmanuel Macron de reconnaître un Etat en septembre. Il s’agit, selon les mots de Mahmoud Abbas transmis par communiqué, d’une «victoire pour la cause palestinienne». Cette décision «reflète l’engagement de la France à soutenir le peuple palestinien et ses droits légitimes à sa terre et sa patrie.»
«La reconnaissance est un commencement», Grégory Doucet favorable à la décision d’Emmanuel Macron. «Que cette annonce permette à d’autres puissances de sortir du silence» : comme la majorité de la gauche, l’écolo Grégory Doucet soutient la reconnaissance de la Palestine par la France. Sur Bluesky, le maire de Lyon loue un geste «lourd de symboles». Qui n’est qu’une première étape : «La reconnaissance est un commencement. Cette décision doit ouvrir la voie à une action de la France à la hauteur des drames humanitaires qui se jouent à Gaza.»
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Le Crif dénonce la reconnaissance de la Palestine. «Faute morale», «erreur diplomatique», «danger politique»… le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) dénonce par communiqué la décision d’Emmanuel Macron de reconnaître, «sans conditions préalables», un Etat palestinien. «En accordant aux Palestiniens en début de processus ce qu’ils doivent obtenir à la fin, cette reconnaissance prématurée incitera la partie palestinienne à ne plus faire aucun compromis, favorisant l’échec de futures négociations», pointe l’organisation.
Le maire de Nice critique lui aussi l’annonce d’Emmanuel Macron. «Reconnaître un Etat palestinien aujourd’hui, c’est offrir au Hamas la victoire qu’il espérait le 7-Octobre.» Christian Estrosi, fermement opposé à la reconnaissance de la Palestine, ne retient pas ses mots sur X. «Les félicitations de Mélenchon et de Rima Hassan […] sont une tache indélébile, et démontrent que le Président se trompe d’approche et de stratégie», lance le maire très droitier de Nice, qui a pourtant été un soutien du président. «Pourquoi ne respecte-t-il pas les conditions qu’il a lui-même fixées il y a quelques semaines : un Hamas démantelé et démilitarisé, et les otages libérés ?»
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François-Xavier Bellamy, vice-président LR, fustige une décision «soit parfaitement inutile, soit contre-productive». Reconnaître un Etat de Palestine ? Les Républicains sont contre. Interrogé sur RTL ce vendredi matin, le vice-président du parti, François-Xavier Bellamy, dit ne «pas comprendre» la décision d’Emmanuel Macron. «Je crois à la nécessité de la solution à deux États, bien sûr. La nécessité de voir reconnu le droit du peuple palestinien à vivre en paix et en sécurité comme évidemment du peuple israélien. […] Cette décision sera soit parfaitement inutile pour atteindre cet objectif, soit même contre-productive.»
Reconnaissance d'un état palestinien : "Une décision qui sera soit inutile, soit même contreproductive"@fxbellamy, député européen et vice-président des Républicains, au micro de Stéphane Carpentier dans #RTLMatin pic.twitter.com/z9zjr4uI7D
— RTL France (@RTLFrance) July 25, 2025
Après la reconnaissance, des associations de soutien à la Palestine appellent la France à aller plus loin. Au lendemain de l’annonce par Emmanuel Macron de la reconnaissance d’un Etat de Palestine en septembre, des associations et défenseurs des droits humains l’enjoignent à s’engager au-delà du symbole. «Enfin ! La France doit maintenant faire pression sur Israël pour mettre fin à l’occupation, la colonisation et l’apartheid», a réagi sur X Anne Tuaillon, présidente de l’Association France Palestine Solidarité. «Reconnaître la Palestine est un acte symbolique important, mais qui ne fera pas oublier ces 21 mois d’abstention complice», a pour sa part posté l’avocat Johann Soufi, spécialisé dans la justice pénale internationale. «Sans sanctions contre Israël, rien ne changera !»
A Gaza, un quart des enfants de six mois à cinq ans souffrent de malnutrition. «L’utilisation délibérée de la faim comme arme de guerre par les autorités israéliennes à Gaza a atteint des niveaux sans précédent». Dans un communiqué diffusé ce vendredi, Médecins sans Frontières dénonce à nouveau la situation humanitaire sur la bande de Gaza. Un quart des enfants âgés de six mois à cinq ans, ainsi que des femmes enceintes et allaitantes examinées la semaine dernière par l’ONG, subissent la malnutrition. «Les professionnels de santé souffrent eux-mêmes de la faim.»
La France «donne raison au camp de la paix», estime Jean-Noël Barrot. Sur X, le ministre des Affaires étrangères défend la position française : reconnaître l’Etat de Palestine n’est, selon lui, pas une récompense pour le mouvement islamiste palestinien. «Le Hamas a toujours refusé la solution à deux États. En reconnaissant la Palestine, la France donne tort à ce mouvement terroriste. Elle donne raison au camp de la paix contre celui de la guerre», insiste Jean-Noël Barrot.
Pour la gauche, une bonne décision mais pas suffisante. Le phénomène est assez inédit, reconnaissons-le. Avant de partir en vacances, le président Macron s’offre une jolie salve d’encouragements venus de la gauche. Depuis l’annonce la veille du chef de l’Etat, les leaders d’opposition saluent la décision de Macron, mais le poussent à aller plus loin. «Pourquoi en septembre et pas maintenant ? Et l’embargo sur les armes ? Et la rupture de l’accord de coopération ?» demande Jean-Luc Mélenchon, tout en saluant une «victoire morale» de son camp sur le sujet. Manuel Bompard abonde : «Oui, il faut reconnaître immédiatement l’Etat de Palestine. Mais nous voulons un Etat pour les vivants, pas un Etat pour les morts.» Chez les roses et les verts, la tonalité est la même : «Il faut désormais mettre en œuvre tous les moyens pour mettre un terme au génocide et à la famine qui règnent à Gaza, ainsi qu’au nettoyage ethnique en cours en Cisjordanie», réclame Marine Tondelier. Et le patron du PS, Olivier Faure, d’ajouter : «Elle doit être assortie de sanctions tant que durera le génocide en cours.» Par Chez Pol
L’ex-écolo François de Rugy plus favorable à la reconnaissance de la Palestine. L’ancien député écolo et ex-président macroniste de l’Assemblée nationale, François de Rugy – aujourd’hui lieutenant d’Edouard Philippe à Horizons – s’est insurgé, estimant que «reconnaître un Etat qui n’a ni frontières ni gouvernement exerçant la moindre souveraineté, cela n’a pas de sens ni de portée réelle». «L’urgence est à la fin de la guerre à Gaza et à la libération de tous les otages, pas à la reconnaissance par la France d’un Etat palestinien inexistant», a-t-il tancé. En 2014, le même Rugy, alors coprésident du groupe écolo à l’Assemblée nationale, défendait le vote par ses ouailles de la proposition de résolution pour reconnaître l’Etat palestinien. «C’est une invitation au dialogue et à l’apaisement», disait-il alors. Par Chez Pol