Sur la place centrale de Kobané, des jeunes femmes aux allures d’adolescentes s’agitent dans un concert de klaxons et de cris, rangent des drapeaux et fredonnent des airs révolutionnaires, avant de se séparer dans la nuit. Elles célèbrent leur retour du barrage de Tichrine, à près de 70 kilomètres de là, transformé depuis décembre en ligne de front où les forces pro-kurdes des Forces démocratiques syriennes (FDS) tentent de contenir les assauts répétés des milices pro-turques, rassemblées sous la bannière de l’Armée nationale syrienne (ANS). Encadrés par l’administration locale, des convois de civils s’y succèdent, chaque semaine, malgré les frappes de drones et les survols des avions de combat. Leur mission ? Y établir, comme le dit Samira, une «deuxième ligne de défense en solidarité avec les soldats. Nous sommes là pour donner de l’espoir aux combattants, mais aussi pour les protéger. En fait, nous sommes des boucliers humains.»
A Kobané, dix ans après l’emblématique bataille menée contre les troupes de l’Etat islamique, entre 2014 et 2015, le sacrifice est devenu une norme sociale, et la figure du martyr un socle identitaire pour une société construite dans le feu de la guerre. Au nord de la ville, les vestiges des combats, immeubles squelettiques et sacs de sables boursouflés, figés dans le temps, rappellent le prix payé par les habitants pour défendre l’identité et les droits kurdes. Là, une voiture blindée de Daech rouille doucement entre les coquelicots sauvag