Même quand il sourit, Rashan a le regard triste. Cet ancien pêcheur d’une cinquantaine d’années, dont la famille est établie dans les marais mésopotamiens depuis des générations, n’a eu d’autre choix : face au désastre écologique qui frappe le sud de l’Irak, il a été contraint de cesser son activité. C’était il y a deux ans déjà, faute d’eau, faute de poisson.
Désormais, depuis sa demeure de Chibayich, une petite ville sur les berges des marais, il guette les rares touristes, membres d’ONG, ou journalistes, à qui il s’empresse de mettre à disposition son extrême connaissance des lieux.
Par pudeur, l’homme ne se plaint pas : son embarcation traditionnelle, sommairement aménagée et appareillée d’un moteur rutilant fonctionne encore, contrairement aux dizaines d’autres, abandonnées, qui saturent les canaux de Chibayich. Pour Rashan, ce mashoof brinquebalant était son outil de travail lorsqu’il pêchait ; à présent, c’est son unique moyen de survie.
Le batelier connaît comme sa poche ces marais de Mésopotamie, nourris par les eaux du T