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Libération
Attaque contre l'Etat de droit

En Israël, Benyamin Nétanyahou défie la justice en nommant un nouveau chef du Shin Bet

La Cour suprême israélienne avait jugé mercredi «contraire à la loi» le limogeage du chef de la sécurité intérieure, Ronen Bar. Le Premier ministre a annoncé jeudi 22 mai son remplacement par le général David Zini.
Benyamin Netanyahou en conférence de presse à Jérusalem, le 21 mai 2025. (Ronen Zvulun/REUTERS)
publié le 23 mai 2025 à 8h51

Un défi ouvert à la justice et à une bonne partie de la société israélienne. Le Premier ministre de l’Etat hébreu, Benyamin Nétanyahou, a annoncé jeudi 22 mai au soir la nomination d’un nouveau chef de l’Agence de la sécurité intérieure, le Shin Bet, en remplacement de Ronen Bar.

Accusé par ses détracteurs de dérive dictatoriale et de conflit d’intérêts dans une affaire qui agite Israël depuis trois mois, Nétanyahou a décidé de faire fi de l’interdiction que lui avait intimée la veille la procureure générale, en annonçant avoir choisi le général de division David Zini pour succéder au directeur démissionnaire du Shin Bet, Ronen Bar.

Le Mouvement pour un gouvernement de qualité, ONG luttant pour la transparence a immédiatement annoncé son intention de contester cette nomination devant la Cour suprême. L’organisation avait été à la pointe de la lutte contre la réforme de la justice portée par le gouvernement, l’un des plus à droite de l’histoire d’Israël, projet qui avait profondément fracturé le pays en 2023 avant que l’exécutif y renonce, temporairement, dans les premiers jours de la guerre déclenchée le 7-Octobre par l’attaque sans précédent du Hamas.

D’autres recours sont attendus et le chef de l’opposition, le centriste Yaïr Lapid a appelé le général Zini à «annoncer qu’il ne peut pas accepter cette nomination tant que la Cour suprême ne s’est pas prononcée» sur la légalité de cette décision. La procureure générale Gali Baharav-Miara, également conseillère juridique du gouvernement, a rapidement dégainé contre l’annonce du Premier ministre. «Il existe un sérieux soupçon [que Nétanyahou] ait agi en situation de conflit d’intérêts, et le processus de nomination est vicié», a-t-elle déclaré.

Pots-de-vin

En cause, une enquête du Shin Bet diligentée par son chef sortant et visant des proches de Benyamin Nétanyahou soupçonnés d’avoir touché des pots-de-vin du Qatar. Les avis juridiques défavorables émis par Gali Baharav-Miara à l‘encontre de plusieurs projets du gouvernement insupportent l’exécutif au point que le cabinet a entamé contre elle une procédure de destitution.

Mercredi soir, la Cour suprême a statué sur le renvoi de Ronen Bar en jugeant que la décision prise le 21 mars par le gouvernement de le limoger était «contraire à la loi». Ce limogeage avait ravivé les divisions de la société israélienne, au moment où le gouvernement décidait de repartir à l‘offensive contre le Hamas après deux mois de trêve, provoquant d’importantes manifestations contre l’exécutif.

Selon le bureau du Premier ministre, «le général Zini a occupé de nombreux postes opérationnels et de commandement dans les Forces de défense israéliennes», notamment comme combattant de l’unité d’élite Sayeret Matkal, ou encore de fondateur de la brigade commando, un corps créé en 2015 pour regrouper des unités d’élite.

«Respecter la loi»

«Le chef du Shin Bet est nommé par le gouvernement sur proposition du Premier ministre, c’est la loi et tout le monde doit respecter la loi, y compris la Cour et la conseillère juridique du gouvernement», avait déclaré Benyamin Nétanyahou mercredi soir, montrant déjà son intention de passer outre les recommandations de cette dernière.

Benyamin Nétanyahou affirme que le gouvernement peut décider à sa guise de nommer et renvoyer le chef du Shin Bet. Il reproche à Ronen Bar son incapacité à empêcher l’attaque sanglante du Hamas ayant déclenché la guerre, le 7 octobre 2023.

Ronen Bar, qui a reconnu sa responsabilité personnelle dans cet échec, a toujours soutenu que la décision de Nétanyahou de le limoger était motivée par une animosité personnelle à son endroit et non pour des raisons liées à ses compétences professionnelles.

Il avait finalement accepté de jeter l’éponge fin avril, en annonçant qu’il quitterait ses fonctions le 5 juin, non sans adresser à la Cour suprême une déclaration écrite affirmant que le Premier ministre avait exigé de lui une loyauté personnelle et lui avait ordonné d’espionner des manifestants antigouvernementaux, ce que Netanyahou a qualifié de «mensonge absolu».