En deux jours à peine, les rebelles syriens sont déjà dans Alep. Les jihadistes et leurs alliés, qui mènent une vaste offensive dans le nord-ouest de la Syrie contre le régime de Bachar al-Assad, ont réussi ce vendredi a atteindre la deuxième plus grande ville du pays, peuplée de deux millions d’habitants, qu’ils avaient préalablement bombardée, selon une ONG et les médias d’Etat syriens.
Alors que les rebelles «se trouv(aient) à près de deux kilomètres de la ville d’Alep» dans la matinée, ils ont réussi, ce vendredi après-midi, à pénétrer dans certains quartiers «ouest et sud-ouest» de la ville, selon Rami Abdel Rahmane, le directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), une ONG basée au Royaume-Uni qui dispose d’un vaste réseau de sources en Syrie. Ils auraient repris pas moins de cinq quartiers de la ville, explique-t-il. Des témoins parlent également d’hommes armés présents dans Alep et d’une population en panique. On les annonçait encore à cinq kilomètres jeudi soir. Les jihadistes et leurs alliés ont aussi coupé jeudi la route vitale reliant la capitale Damas à Alep, selon l’OSDH, et ont pris le contrôle de l’intersection de la route entre Alep et la ville côtière de Lattaquié.
L’armée syrienne se voulait pourtant depuis le début de la journée rassurante. Elle assurait avoir «envoyé des renforts» à Alep en début de journée et jurait que les assaillants «ne sont pas parvenus aux limites de la cité». En début d’après-midi, l’armée disait-même être parvenu à «reprendre le contrôle», de certaines positions.
Offensive éclair
Le groupe sunnite Hayat Tahrir al-Sham (HTS) et des formations alliées, certaines proches de la Turquie, ont lancé cette offensive mercredi contre les forces gouvernementales. L’OSDH fait état d’une cinquantaine de localités déjà conquises par les jihadistes lors de leur avancée fulgurante, alors que les combats ont fait au moins 255 morts depuis mercredi, principalement des combattants. Parmi ces morts, 24 seraient des civils, dont 19 tués dans des frappes de l’aviation russe, alliée du régime, sur les zones rebelles.
L’aviation russe a intensifié ses frappes aériennes ces dernières heures, notamment autour de la ville d’Idleb, dernier bastion jihadiste et rebelle dans le nord-ouest du pays, où l’OSDH a recensé pas moins de 23 raids ce vendredi. Le Kremlin a par ailleurs appelé dans la journée, par la voix d’une porte-parole, les autorités syriennes à «mettre de l’ordre au plus vite» dans le nord du pays. La Turquie a de son côté déclaré avoir «demandé qu’il soit mis fin aux attaques» autour d’Idleb.
Les rebelles ont bombardé ce vendredi pour la première fois depuis quatre ans la grande ville, visant la cité universitaire où quatre civils ont été tués, selon l’agence officielle Sana. «Des obus d’artillerie ont visé une résidence universitaire» à Alep, «provoquant la panique», a indiqué l’OSDH. Jamais, depuis mars 2020 et la signature d’un cessez-le-feu entre la Turquie, qui parraine une partie de la rébellion, et la Russie, soutien du régime de Bachar al-Assad, des affrontements aussi violents n’avaient éclaté dans la région.
Les rumeurs d’une offensive des groupes armés du nord-ouest s’étaient amplifiées depuis la mort du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, le 27 septembre dans une frappe israélienne à Beyrouth. Dans une conférence de presse, le chef du «gouvernement» autoproclamé à Idleb, Mohammad al-Bachir, a affirmé jeudi que l’offensive avait été lancée car le régime avait «commencé à bombarder les zones civiles, ce qui a provoqué l’exode de dizaines de milliers» de personnes. L’analyste Nick Heras, du New Lines Institute for Strategy and Policy, estime pour sa part que les rebelles «ont tenté d’anticiper la possibilité d’une campagne militaire syrienne dans la région d’Alep, que préparaient les frappes aériennes des gouvernements russe et syrien».
Plus de 14 000 déplacés
Un général des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique de l’Iran, a été tué jeudi dans les combats, a rapporté une agence de presse iranienne. L’Iran est un autre allié indéfectible de la Syrie, un pays dans lequel Téhéran s’est engagé militairement avec l’envoi de conseillers, à la demande des autorités locales, pour soutenir le président Assad durant la guerre civile syrienne. A la faveur de cette guerre, commencée en 2011, le HTS, dominé par l’ex-branche syrienne d’Al-Qaïda, a pris le contrôle de pans entiers de la province d’Idleb, mais aussi des territoires voisins dans les régions d’Alep, Hama et Lattaquié.
Le Bureau des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha) a indiqué que «plus de 14 000 personnes, dont près de la moitié sont des enfants, ont été déplacées» par les violences de ces derniers jours. Un nombre pourrait monter à plus de 20 000 d’ici la fin de la semaine.
Le nord de la Syrie bénéficiait ces dernières années d’un calme précaire rendu possible par un cessez-le-feu instauré après une offensive du régime en mars 2020. La trêve a été parrainée par Moscou avec la Turquie, qui soutient certains groupes rebelles syriens à sa frontière. Le régime syrien a repris le contrôle d’une grande partie du pays avec l’appui de ses alliés russes et iraniens depuis le déclenchement, en 2011, du conflit qui a fait plus d’un demi-million de morts et déplacé des millions de personnes.
Mis à jour à 16h55 : les rebelles ont pris possession de plusieurs quartiers d’Alep.