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Libération
Reportage

En Syrie, l’horizon retrouvé des pêcheurs persécutés par le régime Assad

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Tyrannisés pendant plus d’un demi-siècle par Assad et ses alliés russes, les marins retrouvent le goût de la liberté. Pour encadrer leur activité et protéger l’écosystème mal en point, ils réclament des règles aux nouveaux maîtres du pays.
Salah Bahlawan est constructeur de bateaux sur l’île de Rouad, le 24 janvier. (Abdulmonam Eassa/Libération)
par Iris Lambert, envoyée spéciale à Tartous (Syrie)
publié le 3 février 2025 à 16h44

Agile malgré les années, Ziad Altgmieh enjambe le bastingage de son embarcation de bois, arrimée au banc de sable près du petit port de pêche de Tartous, à 170 km de Damas. Il se courbe pour avancer dans la cale sombre, se faufile entre les paniers d’osier où s’enchevêtrent des lignes de nylon, avant d’atteindre l’arrière de son esquif, d’où il scrute l’horizon. Le ciel est clair, mais le vent d’est creuse les flots et fait claquer le pavillon hissé aux couleurs de la révolution. «Rien ne sert de sortir, la pêche sera mauvaise», avait-il déjà prévenu quelques heures plus tôt. Au loin, une silhouette étrange, fantomatique, glisse lentement vers le port industriel de la ville : Bachar al-Assad a quitté la Syrie, mais les navires russes poursuivent leur va-et-vient silencieux le long des côtes du pays. «Eux et le régime ont fait agoniser notre métier», soupire le vieux pêcheur. Dans son regard délavé flotte une tristesse insondable. «Moi-même, cela fait tellement de temps que je n’ai pas mangé de poisson...»

Le long des côtes de basalte noir, abritées du continent par une chaîne de montagnes fertiles, la ville de Tartous et ses voisines – Banias, Rouad, Lattaquié – voient chaque jour près de 900 pêch