A l’horizon, des tours d’immeubles clignotantes à perte de vue. Un canapé perforé, quelques dessins d’enfants au mur, une terrasse jonchée de tessons de bouteilles, de yaourts et d’autres aliments, tant elle sert de frigo de fortune en cette période hivernale. Nous sommes à Esenyurt, quartier des marges stambouliotes, où convergent de nombreux réfugiés syriens, mais aussi des immigrés iraniens, irakiens ou subsahariens. Cela fait près de deux ans que Khidr, un Syrien de 34 ans, vit claquemuré ou presque dans ce décor spartiate. «Je ne sors que pour faire les courses en bas de l’immeuble», lâche-t-il.
Cet ancien journaliste originaire de la ville côtière de Tartous vit en Turquie depuis dix ans déjà. Mais à cause d’un manquement administratif survenu quelques mois après son arrivée dans le pays, il se voit depuis refuser systématiquement ses demandes de titre de séjour et d’obtention du statut de «protection temporaire» octroyé par le gouvernement turc aux réfugiés syriens de la guerre civile, commencée en 2011. Près de 3,2 millions d’entre eux en disposent encore, mais pas Khidr. «Sans papiers, si je me fais contrôler par la police, c’est l’arrestation et l’expulsion immédiate vers le nord de la Syrie qui m’attendent, soupire-t-il, le visage cabossé par les tribulations de l’exil. Et comme j’ai un prénom alaoui