La genèse de ce projet fou part d’un exemplaire du roman de Céline, Voyage au bout de la nuit, adressé à un prisonnier turc au fin fond de sa geôle avec un mot d’encouragement : «L’expression de ma solidarité.» Mais le détenu n’est pas n’importe qui et l’auteur de la missive non plus. Le premier, le leader kurde Selahattin Demirtas, 51 ans, est emprisonné depuis 2016 et a été condamné en mai à quarante-deux ans de prison. Le second, Yigit Bener, auteur et traducteur de 66 ans, issu d’une lignée d’écrivains, a connu l’exil politique dans les années 1980, direction la France. Le colis, remis par l’intermédiaire de l’avocat de «Selo», signe le début d’un long échange épistolaire qui a débouché sur un polar écrit à quatre mains, rapide et enlevé. Depuis sa sortie, Arafta Düet ou Duo au purgatoire (éditions Dipnot, non traduit) est classé parmi les meilleures ventes du pays.
Les deux hommes, pourtant, ne se sont jamais rencontrés. «Je connaissais Demirtas comme lecteur, confie Yigit Bener. J’avais acheté son recueil de nouvelles, l’Aurore [éditions Emmanuelle Collas]. Il y avait un travail littéraire sérieux, c’était bien écrit et bien ficelé. Cela me rongeait l’esprit q