Dans les pas de Donald Trump. Comme les Etats-Unis l’avaient fait en 2018 à l’initiative de l’ancien chef d’Etat ultraconservateur, l’Argentine souhaite déménager à Jérusalem son ambassade en Israël, actuellement installée à Tel Aviv, comme celle de la quasi-totalité des pays qui entretiennent des relations diplomatiques avec l’Etat hébreu. C’est Javier Milei, le président argentin d’extrême droite, qui l’a annoncé sur le tarmac de l’aéroport Ben Gourion en Israël, où il a atterri ce mardi 6 février dans le cadre de son premier déplacement à l’étranger depuis son élection en novembre.
Il s’agit d’une décision hautement symbolique, qui vaut reconnaissance de l’annexion israélienne en 1981 de l’ensemble de la ville, dont la partie orientale (Jérusalem-Est), revendiquée comme capitale par les Palestiniens, est pourtant considérée comme occupée par les Nations Unies. Elle intervient alors que Tsahal, l’armée israélienne, mène une guerre sanglante contre la bande de Gaza après l’attaque perpétrée par le Hamas en Israël le 7 octobre. Depuis le début de la guerre, le bilan fait par les autorités locales palestiniennes s’élève à 27 000 morts dans l’enclave.
Promesse de campagne
«Je viens soutenir Israël contre les terroristes du Hamas», a déclaré Javier Milei au moment de son arrivée à l’aéroport, où il a été reçu par le ministre des Affaires étrangères Israël Katz, avant de se rendre au mur des Lamentations, lieu de prière sacré pour les juifs, où la foule l’a acclamé. Sur le réseau social X (anciennement Twitter), le Premier ministre Benyamin Nétanyahou a salué «chaleureusement» la visite de son «cher ami», dont il a salué la décision - dont le délai, pas précisé par Javier Milei, demeure cependant incertain. Le Hamas, en revanche, a «fermement condamné» cette annonce, qu’il a qualifiée de «violation des droits» des Palestiniens et du «droit international».
Contesté dans son pays par des manifestations contre les réformes ultralibérales qu’il a engagées depuis son investiture, Javier Milei honore une promesse de campagne en déplaçant à Jérusalem l’ambassade d’Argentine, conforme à sa nouvelle stratégie diplomatique. «Javier Milei incarne une politique étrangère de réalignement de l’Argentine sur les positions occidentales, en rupture avec ses prédécesseurs qui avaient cherché à diversifier leurs alliances, par exemple en se rapprochant des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Ses principaux alliés sont les Etats-Unis et Israël», relève auprès de Libération Christophe Ventura, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de l’Amérique latine.
«Accointances idéologiques»
Selon le chercheur, l’économiste de formation devenu président fait preuve d’une «solidarité jusqu’au-boutiste avec Israël», dont il défend le «droit illimité à se défendre», en cohérence avec les «accointances idéologiques» qui rapprochent le dirigeant d’extrême droite de Benyamin Nétanyahou. A en croire le quotidien argentin Clarin, Javier Milei souhaiterait en outre profiter de son passage en Israël pour annoncer l’inscription du Hamas sur la liste des organisations considérées comme terroristes par Buenos Aires - le groupe islamiste est déjà classé comme tel par les Etats-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni et Israël.
Le virage pro-israélien opéré par Javier Milei place l’Argentine, qui accueille la plus importante communauté juive du sous-continent (quelque 250 000 personnes) en porte-à-faux par rapport à ses voisins sud-américains, traditionnellement attachés à la cause palestinienne, perçue comme une lutte anticoloniale. Accusant Israël de «crimes de guerre», la Bolivie avait ainsi été, le 31 octobre, le premier pays à rompre ses relations diplomatiques avec l’Etat hébreu en signe de protestation contre les bombardements israéliens dans la bande de Gaza. Au même moment, le Chili et la Colombie avaient rappelé leurs ambassadeurs en poste à Tel-Aviv en dénonçant respectivement des «violations inacceptables du droit international humanitaire» et le «massacre du peuple palestinien».