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Guerre

Entre Israël et le Hezbollah, un second front qui menace

Le ministre israélien de la Défense s’est rendu samedi 21 octobre à la frontière avec le Liban, où les échanges de tirs avec le Hezbollah se sont multipliés ces jours-ci, alimentant la crainte d’un embrasement régional.

Une attaque israélienne sur une maison de Al Bustan, le 15 octobre, à la frontière libanaise avec Israël. (Hussein Malla/AP)
ParFrédéric Autran
Journaliste - International
AFP
Publié le 21/10/2023 à 16h52

Deux semaines après l’attaque brutale du Hamas, et alors que l’offensive terrestre de l’armée israélienne dans la bande de Gaza n’a pas encore débuté, Israël ne néglige pas son front septentrional, également sous très haute tension. Samedi 21 octobre au matin, le ministre de la Défense, Yoav Galant, a ainsi rendu visite aux soldats de la 91e division, responsable de la protection de la frontière avec le Liban, pays techniquement en état de guerre avec l’Etat hébreu.

Alors que la communauté internationale redoute un débordement du conflit entre le Hezbollah libanais pro-iranien, allié du Hamas, et l’armée israélienne, les échanges de tirs d’armes légères et d’artillerie se sont multipliés cette semaine le long de la ligne bleue qui sépare Israël et le Liban sur environ 80 kilomètres. L’armée israélienne a fait état vendredi de «vingt tirs» de roquette et d’au moins un tir de missile vers son territoire, qui a tué un réserviste de 22 ans. Tsahal a répliqué dans la nuit contre des cibles du Hezbollah et annoncé samedi qu’un nouveau tir de missile de l’organisation islamiste avait blessé deux travailleurs thaïlandais.

Nouveau front très actif

«Le Hezbollah a décidé de participer au combat, et est en train d’en payer le prix. Nous devons rester vigilants et nous préparer à tous les scénarios. De grands défis nous attendent», a lancé Galant aux soldats, lors de sa visite samedi matin, les rappelant à leur «devoir» de «défendre» le pays. «On se souviendra du jour de l’attaque [du 7 octobre] comme le jour où a débuté la destruction finale et complète de cette organisation terroriste du Hamas», a-t-il également martelé.

En plus des soldats et des officiers déployés dans la région, Yoav Gallant a également rencontré au cours de sa visite des maires et responsables politiques du nord du pays. Mesure rarissime, les autorités de l’Etat hébreu ont annoncé vendredi l’évacuation totale de la ville de Kiryat Shmona, limitrophe de la frontière libanaise, qui compte environ 25 000 habitants. Face à l’intensification des accrochages, la majorité de la population avait déjà pris la décision de partir. Tout comme, de l’autre côté de la frontière, de nombreux Libanais.

Dans un long récit publié vendredi soir, le New York Times a révélé que la stratégie à adopter face au Hezbollah avait fait l’objet, ces dix derniers jours, d’intenses discussions au sein du gouvernement israélien, ainsi qu’avec l’administration américaine, inquiète de l’ouverture d’un nouveau front très actif dans le nord d’Israël. Au cœur des «anxiétés» américaines, à en croire le quotidien : la volonté, chez certains des membres les plus bellicistes du conseil de guerre israélien, dont Yoav Galant, de mener rapidement après l’attaque du 7 octobre une offensive préventive contre le mouvement chiite libanais.

Négociations intenses

«Le président Biden et ses principaux collaborateurs ont exhorté les dirigeants israéliens à ne pas mener de frappes majeures contre le Hezbollah», écrit le New York Times, qui s’appuie à la fois sur des sources américaines et israéliennes. Le sujet aurait notamment été abordé lors de la visite en Israël de Joe Biden, mercredi, et durant les négociations intenses menées plus tôt dans la semaine par le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken.

D’après le journal, l’administration Biden «pense qu’Israël aurait du mal à mener une guerre sur deux fronts et qu’un tel conflit pourrait aspirer à la fois les Etats-Unis et l’Iran», le principal soutien du Hezbollah. Un avis que partagent de nombreux experts de la région. «Le Hezbollah est bien plus efficace militairement que le Hamas, et dispose de beaucoup plus de roquettes. Une explosion de violence à la frontière nord d’Israël entraînerait probablement une conflagration», prédisait dès le 8 octobre le chercheur Ray Takeyh, spécialiste du Proche-Orient au sein du Council on Foreign Relations.

Les Etats-Unis, qui ont déployé en Méditerranée orientale deux porte-avions – dont le USS Ford, plus gros navire de guerre du monde – pour dissuader l’Iran et le Hezbollah de s’impliquer dans le conflit, ne sont pas les seuls à s’inquiéter d’un élargissement régional du conflit. «Il y a une situation de tension qui, de toute façon, est extrêmement préoccupante et fait courir un grand risque à toute la région», a déclaré vendredi à quelques journalistes le président français, assurant que Paris se mobilisait également en coulisses pour appeler à la modération. «Nous avons passé très directement par le biais de notre ambassadeur et de nos services des messages au Hezbollah. Nous les avons aussi passés aux autorités libanaises», a indiqué Emmanuel Macron.