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Géopolitique

Face à l’élection de Donald Trump, l’Iran reste de marbre

Lors de son premier mandat, le président américain avait imposé plus de 1 500 sanctions à Téhéran, ruinant son économie.
Dans un kiosque à journaux, le 7 novembre à Téhéran. (Morteza Nikoubazl/NurPhoto via AFP)
publié le 7 novembre 2024 à 16h17

«Les Etats-Unis sont le grand Satan, quel que soit le président.» La sentence est du journal Kayhan, considéré comme le plus conservateur du pays, sous le contrôle des Gardiens de la révolution et de leur Guide suprême Ali Khamenei. Elle est répétée depuis plusieurs semaines par la plupart des dirigeants du régime. «Nous avons des expériences très amères des politiques et approches des différents gouvernements américains», a déclaré ce jeudi 7 novembre le porte-parole de la diplomatie iranienne, Esmaïl Baghaï, cité par l’agence officielle Irna. Il a appelé Washington à «revoir les approches erronées du passé».

Des tensions à la crainte d’une guerre ouverte

Dire que les relations entre Téhéran et Donald Trump, lorsqu’il était président entre 2016 et 2020, étaient mauvaises, relève de l’euphémisme. C’est Trump qui a rompu unilatéralement en 2018 l’accord sur le programme nucléaire iranien signé trois ans plus tôt à Vienne. Il a ensuite multiplié les sanctions économiques, plus de 1 500 en trois ans, qui ont considérablement affaibli l’économie, frappée par une explosion de l’inflation et du chômage.

L’Iran a répliqué en relançant son programme nucléaire. Alors que l’accord le contraignait à ne pas enrichir d’uranium au-delà de 3,67 % et de limiter ses stocks à 300 kilos, ils atteignent aujourd’hui 5751 kilos, soit presque 20 fois plus, dont 160 kilos enrichis à 60 % – proche des 90 %, considérés comme le seuil militaire — selon le dernier rapport trimestriel de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). L’Iran n’aurait désormais besoin que d’un mois pour obtenir assez d’uranium de niveau militaire pour alimenter neuf armes, d’après l’Institut pour la science et la sécurité internationale.

Lors de son premier mandat, Trump avait également ordonné l’assassinat de Qassem Soleimani, le puissant chef de la force Al-Qods, chargé des opérations extérieures des Gardiens de la révolution, tué en janvier 2020 par une frappe de drone à la sortie de l’aéroport de Bagdad, en Irak. Certains avaient alors craint un embrasement et une guerre ouverte entre les Etats-Unis et l’Iran. Le régime s’était finalement contenté de représailles symboliques.

Un nouvel «accord» aux contours vagues

Quelle sera la politique de Trump vis-à-vis de l’Iran cette fois ? Lors de sa campagne, il n’a pas caché qu’il considérait toujours la république islamique comme une ennemie, une position d’ailleurs partagée par Kamala Harris. Mais il a aussi déclaré qu’il faudrait «trouver un accord» avec Téhéran, sans précision, même vague, sur ses éventuels contours. S’il poursuit cette voie, il aura un interlocuteur : le nouveau président iranien Masoud Pezeshkian, partisan lui aussi de renouer avec les Etats-Unis pour alléger les sanctions. Trump a également répété qu’il ne lancerait pas de nouvelle guerre s’il était élu. Les pays du Golfe, alliés des Etats-Unis, ne veulent pas plus d’un nouveau conflit dans un Proche-Orient déjà marqué par celles menées par Israël à Gaza et au Liban.

Mercredi 6 novembre, quelques heures après l’annonce de sa victoire, Trump s’est entretenu par téléphone avec le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou. «[Ensemble nous] resterons fermes pour vaincre l’axe du mal dirigé par l’Iran», a ensuite affirmé Nétanyahou sur X. Dans les jours qui avaient suivi les tirs de 181 missiles par l’Iran contre Israël, Trump avait conseillé à Israël de frapper les sites nucléaires et «de s’occuper du reste plus tard». L’administration Biden avait à l’inverse fait pression sur Nétanyahou pour qu’il limite ses représailles à des installations militaires, hors nucléaire. Le Premier ministre israélien avait fini par obtempérer.