«Gaza est l’endroit le plus affamé au monde». Plus de tergiversation possible : ce vendredi 30 mai, Jens Laerke, porte-parole du bureau des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) a contredit frontalement les autorités israéliennes. «C’est la seule zone délimitée, un pays ou un territoire défini à l’intérieur d’un pays, où la totalité de la population est menacée de famine. 100 % de la population est menacée de famine», a appuyé le porte-parole lors du point de presse régulier de l’ONU à Genève.
Trois jours plus tôt, un haut responsable de Tsahal aurait assuré, d’après la chaîne israélienne Canal 12, qu’il «n’y a pas de famine à Gaza, nous n’en sommes même pas proches. Il y a de la détresse, mais pas de famine».
Interview
C’est un tout autre récit que livre Jens Laerke. L’onusien a expliqué en détail les difficultés que rencontre l’ONU pour acheminer dans le territoire palestinien l’aide humanitaire, qu’Israël ne laisse rentrer qu’au compte-goutte, après un blocus total long de plus de deux mois instauré à la reprise de son offensive militaire en mars.
Selon le porte-parole, 900 camions d’aide humanitaire ont été autorisés à passer par Israël depuis la levée partielle du blocus. Mais pour l’instant, seuls les chargements de 600 camions sont accessibles de Gaza, et un nombre encore moindre a pu être acheminé dans le territoire, en raison des bombardements, de l’insécurité, de la congestion des rares routes sur lesquelles l’armée israélienne autorise le passage.
«Compte-goutte»
Ce nombre limité de camions, «c’est une distribution de nourriture au compte-goutte, dans un carcan opérationnel, qui en fait l’une des opérations d’aide humanitaire les plus entravées, non seulement aujourd’hui dans le monde, mais aussi dans l’histoire récente», a dénoncé Jens Laerke.
D’autant plus qu’une fois que les chargements entrent enfin à Gaza, ils sont très souvent pris immédiatement d’assaut par la population. «C’est une réaction de survie, une simple question de survie. Une action de personnes désespérées qui veulent nourrir leur famille et leurs enfants», dit le porte-parole, qui affirme : «Je ne les blâme pas». «L’aide qui se trouve dans ces camions a été financée par les donateurs pour être acheminée vers ces personnes», rappelle-t-il. Cette aide appartient déjà aux Gazaouis «mais elle n’est pas distribuée comme nous le souhaitons», à savoir «là où les gens vivent».
Enfumage
Interrogé sur les opérations de la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), une nouvelle organisation créée de toutes pièces et soutenue par Israël et les Etats-Unis, qui distribue de l’aide depuis quelques jours dans une poignée de centres, Jens Laerke estime que «cela ne fonctionne pas». Mardi, une distribution a attiré des milliers de personnes mais s’est terminée dans le chaos. Quand bien même les centres de GHF sont sécurisés, une fois sorti avec un paquet d’aide on devient facilement la cible de pillards, explique le porte-parole.
Les Nations unies, et de nombreuses ONG, refusent de travailler avec la GHF. Son directeur, Jake Wood, a même démissionné le 26 mai dernier, estimant que le fonctionnement de la fondation n’est pas conforme aux «principes humanitaires d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance».