Israël va étendre à nouveau son offensive contre le Hamas à Gaza, suivant un plan approuvé par le cabinet de sécurité dans la nuit de dimanche à lundi. Un haut responsable de l’armée, cité par le média israélien Ynet ce lundi 5 mai à la mi-journée, nuance toutefois la portée des objectifs de Tsahal : «La bande [de Gaza] ne sera pas occupée dans son intégralité, et pas immédiatement. Nous n’entrerons pas dans les zones où il y a des risques d’enlèvements.»
En fin d’après-midi, Benyamin Nétanyahou a confirmé qu’une nouvelle offensive à Gaza était en préparation et qu’elle sera intensive. Il n’a toutefois pas précisé l’étendue du territoire de l’enclave qui serait saisie. Il a néanmoins affirmé que «la population sera déplacée, pour sa propre protection».
Dans la matinée, une source israélienne affirmait à l’AFP que le plan comprendrait notamment «la conquête de la bande de Gaza et le contrôle de territoires». Serait aussi prévue la promotion du «départ volontaire des Gazaouis» du territoire palestinien. Deux responsables israéliens évoquaient également auprès de l’agence AP «un plan visant à capturer l’ensemble de la bande de Gaza et à rester sur le territoire pendant une durée indéterminée».
Si aucun responsable politique israélien n’a encore confirmé officiellement l’approbation de ce plan, un rapport de la chaîne publique israélienne Kan, citant des sources informées des détails, a déclaré que sa mise en place serait progressive et prendrait des mois. Un tel calendrier pourrait laisser la porte ouverte à des négociations sur un cessez-le-feu et un accord de libération d’otages avant une visite du président américain Donald Trump dans la région la semaine prochaine, selon le ministre israélien de la Sécurité, Zeev Elkin, cité par Reuters.
Récit
Le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a par ailleurs affirmé pendant la réunion qu’il «continuait à promouvoir le plan Trump visant à permettre le départ volontaire des habitants de Gaza et que les négociations à ce sujet se poursuivaient», selon la même source. Ce projet avait suscité un tollé à l’international.
En réaction, le Forum des familles, la plus grande association de proches d’otages en Israël, a critiqué la volonté du gouvernement israélien d’expansion de l’offensive dans le territoire palestinien. Ce plan mérite le nom de «plan Smotrich-Nétanyahou» car il «sacrifie les otages», selon l’association, en référence à l’influence du ministre des Finances d’extrême droite, Bezalel Smotrich, sur le gouvernement du Premier ministre, Benyamin Nétanyahou. «Ce matin, le gouvernement admet qu’il choisit le territoire plutôt que les otages, contrairement aux souhaits de plus de 70 % de la population», ajoute le texte.
De son côté, l‘Union européenne s’est, ce lundi, dit «préoccupée» par ce nouveau plan israélien «qui entraînera de nouvelles victimes et souffrances pour la population palestinienne». Lors du point presse quotidien de la Commission européenne, le porte-parole du service diplomatique de l’UE a également appelé «Israël à faire preuve de la plus grande retenue».
Rappel de «dizaines de milliers de réservistes»
Dimanche soir, l’armée israélienne a confirmé le rappel à venir de nombreux réservistes dans l’optique de cette offensive élargie, avec pour objectif de détruire «toutes les infrastructures» du Hamas dans l’enclave palestinienne. «Cette semaine, nous rappelons des dizaines de milliers de réservistes afin de renforcer et d’élargir notre opération à Gaza», a déclaré le lieutenant-général Eyal Zamir, chef d’état-major de l’armée, dans un communiqué : «Nous intensifions la pression dans le but de ramener nos [otages] et de vaincre le Hamas. Nous agirons dans d’autres zones et détruirons toutes [ses] infrastructures, à la surface comme sous terre.»
Ces réservistes devraient remplacer des appelés ou des soldats d’active à travers le pays ainsi qu’en Cisjordanie occupée afin que ceux-ci puissent être envoyés combattre dans l’enclave palestinienne. Par ailleurs, le cabinet de sécurité israélien s’est réuni, dimanche soir, possiblement en vue d’approuver l’élargissement de l’offensive à Gaza.
Témoignages
Les informations sur le rappel des réservistes ont été publiées samedi après que la branche armée du Hamas a diffusé une vidéo d’un otage présumé dans laquelle apparaît un homme allongé, la tête et le bras gauche couverts de bandages avec des tâches marron. Parlant hébreu, il se présente comme «le prisonnier numéro 24» mais a été identifié comme étant Maxim Herkin, otage israélo-russe qui aura 37 ans fin mai.
Le Premier ministre, Benyamin Nétanyahou, sous la pression de ses soutiens d’extrême droite sans lesquels il perdrait sa majorité, mais soutenu par Donald Trump, multiplie en ce moment les propos va-t-en guerre. Samedi soir, il s’en est pris au Qatar, émirat qui mène avec l’Egypte une médiation en vue d’une trêve avec le Hamas et d’un accord de libération d’otages détenus dans la bande de Gaza, l’enjoignant à «cesser son double jeu et son double langage». «Israël gagnera cette guerre légitime avec des moyens légitimes», a-t-il ajouté, semblant signifier ainsi la fin de toute négociation.
Le Qatar «rejette fermement les déclarations incendiaires» de Benyamin Nétanyahou, «qui sont contraires aux règles les plus élémentaires de la responsabilité politique et morale», a réagi sur X le porte-parole du ministère qatari des Affaires étrangères, Majed al-Ansari.
Le retour des otages, une «priorité morale» pour les familles
Depuis qu’Israël a mis fin le 18 mars à deux mois d’une trêve dans la guerre déclenchée par l’attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre 2023, Benyamin Nétanyahou assure qu’une pression militaire accrue est le seul moyen de forcer le mouvement islamiste palestinien à rendre les otages.
Au contraire, «toute intensification des combats placera les otages […] en situation de danger immédiat», a mis en garde le Forum des familles d’otages, organisation israélienne de proches des captifs. «Pour la grande majorité des Israéliens le retour des otages est la première priorité morale de la nation», a ajouté le forum dans un communiqué, jugeant encore possible de «parvenir à un accord permettant de sauver des vies et d’empêcher davantage de pertes humaines».
Ce lundi en fin d’après-midi, l’Etat hébreu a néanmoins laissé ouverte jusqu’à la mi-mai, une «fenêtre» de négociations en vue de la libération des otages alors que ses troupes se préparent à une nouvelle campagne militaire d’envergure, selon un haut responsable sécuritaire israélien. «La préparation des forces avant le début de la manœuvre offrira une fenêtre jusqu’à la fin de la visite du président américain dans la région pour permettre un accord [de libération des] otages» sur la base du plan proposé par Washington, a ajouté ce responsable. Le président américain Donald Trump est attendu au Moyen-Orient pour une visite prévue du 13 au 16 mai.
La dernière trêve entre Israël et le Hamas a permis le retour de 33 otages israéliens, dont 8 morts, en échange de la libération d’environ 1 800 Palestiniens détenus par Israël. Samedi soir, plusieurs milliers d’Israéliens se sont une nouvelle fois rassemblés à Tel-Aviv. Sur les 251 personnes enlevées par le Hamas le 7 octobre 2023, 58 sont toujours retenues à Gaza dont 34 déclarées mortes par l’armée israélienne.
Mise à jour : ce lundi 5 mai à 13 h 17, avec l’ajout de la déclaration d’un haut responsable de l’armée israélienne à Ynet ; à 14 heures, avec la réaction de l’UE ; à 16 h 45 avec la fenêtre de négociations pour la libération des otages ; à 17 h 15 avec l‘annonce que la population sera déplacée.