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Guerre

Gaza : les ONG appellent Israël à lever les blocages de l’aide humanitaire

Lors d’une conférence de presse conjointe, ce mardi 20 février, six ONG ont déclaré que seule l’instauration d’un «cessez-le-feu immédiat» permettrait de faire face aux «immenses besoins humanitaires» dans l’enclave.
A Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, mardi 20 février, après un tir israélien. (Said Khatib /AFP)
publié le 20 février 2024 à 20h02

Le 26 janvier, la Cour internationale de justice (CIJ) prenait une décision historique. La plus haute instance judiciaire des Nations unies, saisie par l’Afrique du Sud, évoquait un «risque plausible de génocide» dans la bande de Gaza. Elle ordonnait ainsi à Israël de prendre une série de mesures d’urgence, dont la facilitation de l’acheminement de l’aide humanitaire dans l’enclave palestinienne, où plus de 2 millions de personnes vivent dans des conditions déplorables.

Un mois plus tard, et alors que l’Etat hébreu s’apprête à présenter son rapport sur la manière dont il se conforme aux mesures réclamées par l’organe judiciaire, six organisations humanitaires et de défense des droits humains tirent la sonnette d’alarme sur les obstacles auxquels elles continuent de faire face dans la bande de Gaza. Depuis la décision rendue par la CIJ, «le gouvernement israélien n’a pas cessé ses bombardements aveugles sur la population qui y est piégée dans des parties de plus en plus réduite de l’enclave, a fustigé ce mardi Tsafrir Cohen, directeur exécutif de l’ONG Medico International, lors d’une conférence de presse conjointe. Il n’a pas non plus augmenté l’accès à l’aide humanitaire dans une mesure qui permettrait de satisfaire les besoins les plus élémentaires en quantité et en qualité.»

Bombardements incessants

Les responsables de ces organismes ont successivement décrit les difficultés croissantes de travailler sur un terrain où les bombardements sont incessants. L’ONG Médecins sans frontières (MSF), présente dans la bande de Gaza depuis deux décennies, vient d’ailleurs de recevoir la confirmation que l’une de ses membres (la sixième depuis le 7 octobre) a été tuée lors d’une frappe «il y a quelques semaines». «Nos équipes continuent de voir des patients incapables d’accéder aux soins médicaux dont ils ont besoin, en raison des attaques répétées et persistantes contre les établissements de santé», alerte, de son côté, Avril Benoît, directrice exécutive de MSF aux Etats-Unis. Elle décrit les conséquences dramatiques des combats acharnés autour de l’hôpital Nasser de Khan Younès, dans le sud de l’enclave. Aux premières heures du 15 février, «les obus ont frappé le service orthopédique de l’établissement, provoquant le chaos, tuant et blessant un nombre indéterminé de personnes qui craignaient pour leur vie. Les membres du personnel de MSF ont dû fuir le complexe, laissant derrière eux plusieurs patients dans un état grave».

D’autres responsables ont insisté sur l’urgence de lever les obstacles dans la fourniture de l’aide humanitaire «dont la population civile de Gaza a tant besoin», déplore Florence Rigal, présidente de Médecins du monde. Elle estime que seul un tiers des ONG qui opèrent dans l’enclave ont pu importer des camions d’eau, de nourriture et de médicaments depuis le début de la guerre. Les autres attendent encore à la frontière égyptienne, «à quelques centaines de mètres seulement» de la population qui doit être prise en charge.

«Complicité»

Jeremy Konyndyk, président de Refugees International, insiste sur l’absence de tout processus significatif de «déconfliction humanitaire» – un système de coordination avec l’ONU mis en place par les armées du monde entier afin d’éviter de frapper les cibles humanitaires lors d’un conflit. «Israël a l’expérience de la gestion de ce type de systèmes. Il en a géré un lors de la guerre du Liban en 2006. Il s’agissait d’un processus très efficace. A Gaza, le gouvernement israélien a refusé de mettre en place un système de déconfliction fonctionnel. Les groupes humanitaires le réclament depuis le début de la guerre, les Etats-Unis et d’autres gouvernements font pression, publiquement et plus encore en coulisses, pour que les autorités israéliennes le mettent en place.»

Les ONG regrettent que les forces israéliennes continuent de «violer le droit humanitaire international» avec la «complicité de nombreux gouvernements qui continuent de transférer des armes vers Israël», a déclaré Erika Guevara Rosas, membre d’Amnesty International, une ONG qui a documenté l’utilisation d’armes américaines. «Tous les pays ont l’obligation morale et juridique d’arrêter d’urgence le transfert d’armes utilisées pour commettre des crimes atroces», a renchéri Sally Abi Khalil, directrice d’Oxfam International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Pour les organisations internationales, seule l’instauration d’un «cessez-le-feu immédiat» permettrait de faire face aux «immenses besoins humanitaires» et de mettre en place les mesures d’urgence réclamées par la CIJ.