Enfin. Enfin les bombes devraient se taire. Enfin les otages devraient retrouver leurs familles. Enfin les Gazaouis, sur une terre brisée, ne devraient plus mourir. L’annonce qu’un accord a été trouvé entre Israël et le Hamas, dans la nuit du mercredi 8 au jeudi 9 octobre, a été donnée par celui qui en revendique la paternité : Donald Trump. Sur son réseau Truth social, le président américain a annoncé que «TOUS les otages vont être libérés» et qu’Israël allait «très bientôt retirer ses troupes» d’une partie de l’enclave palestinienne.
Il ne s’agit pas d’une paix totale, ce n’est pas encore le bout du tunnel, loin de là, mais il s’agit d’une première phase encourageante. Cet accord, qui doit être officiellement signé ce jeudi en Egypte, prévoit la libération, en une fois et dans les 72 heures qui suivront sa mise en œuvre, des 20 otages encore vivants contre 2 000 prisonniers palestiniens. «Je pense qu’ils seront de retour lundi», a lancé Trump sur Fox News, tandis que des sources israéliennes évoquent un échange dès dimanche. L’accord prévoit aussi le retour par étapes des défunts en Israël – ils sont plus difficiles à localiser –, et l’entrée d’aide humanitaire à Gaza. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères qatari, Majed al-Ansari, espère surtout qu’il permettra «la fin de la guerre» qui fait rage depuis tout juste deux ans.
«C’est un grand jour pour Israël», a commenté le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, qui a remercié Donald Trump et dit réunir dès jeudi son cabinet afin de «ratifier l’accord et rapatrier tous nos précieux otages». Le Hamas, de son côté, appelle «le président Trump et les pays garants de l’accord à contraindre Israël à appliquer intégralement les échéances de l’accord et à ne pas lui permettre de se dérober ou de tergiverser dans la mise en œuvre de ce qui a été convenu». Tout en saluant l’accord, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, exhorte lui aussi «toutes les parties concernées à respecter pleinement les termes».
Soulagement et appréhension
A Gaza et en Israël, l’annonce de l’accord a été accueillie dans une effusion de joie, teintée d’une certaine angoisse. Il y a les larmes de Samer Joudeh, un déplacé gazaoui interrogé par l’AFP à Al-Mawasi, dans le centre de l’enclave, qui a «l’impression de vivre un moment de répit». Et la «peur d’une trahison», confiée au même endroit par Tariq al-Farra, chez qui «la joie et une tension» cohabitent. C’est cette mère d’otage, Meirav Gilboa-Dalal, qui hurle à l’antenne de Channel 12 que le calvaire de son fils Guy «est fini, c’est terminé». Et ce communiqué prudent du Forum des familles d’otages, qui accueille ce nouvel accord dans «un mélange d’excitation, d’appréhension et d’inquiétude».
C’est que deux fois déjà, depuis le massacre du 7 Octobre, l’espoir d’une paix s’est profilé. Deux fois le Hamas et Israël se sont accordés sur un cessez-le-feu, sur un échange de prisonniers, sur un retour de l’aide humanitaire. Et deux fois toutefois les combats ont repris, en novembre 2023 et en mars 2025. La dernière trêve devait se dérouler en trois phases, et permettre la fin de la guerre. Mais les négociations ont achoppé dès la fin de la première, et Israël, le 18 mars, a repris son offensive de plus belle, et avec encore plus de violence.
Témoignages
Tous les yeux sont cette fois rivés vers l’homme qui a permis l’accélération soudaine de cet interminable conflit. Donald Trump, qui rapidement paradait sur Fox News sans pour autant donner de détails précis sur les termes concrets de l’accord, aura donc réussi son pari. Obtenir un deal, juste avant l’annonce du prix Nobel de la paix, ce vendredi, qu’il espère, ou plutôt estime devoir recevoir – ce qui est loin d’être assuré. Rien ne garantissait pourtant, lorsqu’il a présenté son plan en 20 points, lundi 29 septembre, que l’issue serait si vite trouvée. A ses côtés, à la Maison Blanche, Benyamin Nétanyahou lui-même n’aurait jamais parié sur la réponse positive du Hamas, quelques jours plus tard.
L’espoir ainsi suscité, la pression internationale, celles des pays arabes, des chancelleries occidentales qui ont reconnu l’Etat palestinien, ou encore des opinions horrifiées par l’ampleur du désastre à Gaza, auront fini de convaincre le président américain qu’il tenait là son occasion de faire briller la paix, et d’obliger son fidèle allié israélien à s’y soumettre. Et moins d’une semaine de négociations indirectes à Charm el-Cheikh, cité balnéaire à la pointe du Sinaï, auront permis de la toucher du doigt.
Long chemin vers la reconstruction
Reste que la suite est encore assez floue. Le plan de Donald Trump prévoit qu’après la libération des otages, le Hamas doit être désarmé et Israël poursuivre le retrait de ses troupes de Gaza. Le tout doit permettre à une autorité transitoire, où figurerait le président américain, mais aussi l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, d’assurer la gestion du territoire en attendant la mise en place d’un «comité palestinien technocratique et apolitique» pour gouverner l’enclave ravagée.
Sauf que rien, dans ce premier accord, ne précise si le Hamas accepte effectivement de déposer les armes, ni si Tsahal concède de quitter le territoire palestinien – dont 65 à 70 % sont actuellement occupés par l’armée israélienne. Celle-ci reste sur ses gardes, se dit «prête à tout scénario», et l’organisation islamiste répète que la guerre ne se terminera que lorsqu’il ne restera plus un soldat israélien dans la bande de Gaza. Rien n’assure non plus que les ministres suprémacistes israéliens – dont l’un, Itamar Ben-Gvir paradait dans une ultime provocation ce mercredi sur l’esplanade des Mosquées de Jérusalem – ne parviendront pas une fois de plus à convaincre Nétanyahou de retourner à la guerre.
Libé des historien·nes
Reste que l’espoir domine, après la fatalité. Les prochains jours devraient être exempts de nouvelles morts inutiles et d’images insoutenables. Le chemin de la reconstruction est encore long. Celui du jugement difficilement perceptible à l’horizon. Quant à la réconciliation, après deux ans qui resteront dans l’abîme de l’humanité, elle reste un vœu pieux. Peut-être un peu moins qu’hier.