Cela fait bientôt quarante ans que Ghassan Salamé observe – et participe – à la marche du monde. Au cours de sa carrière, l’ex-ministre de la Culture du Liban (2000-2003), professeur de relations internationales et directeur de recherches au CNRS, envoyé spécial des Nations unies en Irak, puis en Libye, a vu se réveiller la Tentation de Mars. Guerre et paix au XXIe siècle – le titre de son dernier ouvrage de géopolitique, mûri à partir d’un cours qu’il donna à Sciences-Po pendant vingt ans (et auquel l’étudiant Emmanuel Macron a assisté). Il y décrit le retour de l’usage de la force armée par les Etats, que la fin de la guerre froide avait fait un temps reculer.
Dans ce monde de guerriers, l’Europe est-elle condamnée à la faiblesse ?
L’Europe est le dernier endroit au monde où on a cru à la fin de l’histoire. Elle a longtemps pensé qu’elle pouvait influencer le monde à travers la production de normes, que les conflits pouvaient être contenus, que ses armées devaient être réorganisées en forces de police internationales dans les zones de crise. Dans les années 90, la grande question était : «Faut-il intervenir ou non ?». On ne pensait pas du tout à des armées de défense, encore moins de conquête. On a mis fin aux services militaires (en Allemagne, en France), on a repensé notre armement, notre doctrine, en fonction de ce monde post-guerrier.
L’Europe essaye aujourd’hui de se rattraper, mais elle a découvert que son industrie de défense était devenue famélique. Que