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Guerre au Proche-Orient : l’armée libanaise riposte contre Tsahal pour la première fois depuis le 7 Octobre

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Jusqu’ici resté attentiste dans le conflit qui oppose Israël au Hezbollah, Beyrouth a annoncé jeudi avoir répondu à des tirs de Tsahal qui ont tué déjà deux de ses soldats dans le sud du pays.
Un immeuble de Beyrouth frappé par l'armée israélienne le 1er octobre/ (Marwan Naamani/DPA. Abaca)
publié le 3 octobre 2024 à 21h04

Ce jeudi 3 octobre, l’armée régulière libanaise a annoncé avoir riposté pour la première fois depuis le 7 Octobre à des tirs israéliens : «Un soldat a été tué après que l’ennemi israélien a visé un poste militaire dans la région de Bint-Jbeil dans le sud, et le personnel militaire a répondu aux tirs», a indiqué l’armée dans un communiqué. Cela fait suite à la mort d’un premier soldat, le matin même, dans une frappe de drone israélien lors d’une «mission de secours dans le village de Taybeh».

Dès mardi, un communiqué officiel évoquait déjà un «redéploiement» stratégique des troupes libanaises dans le sud du pays, après l’annonce par Israël du lancement d’opérations terrestres «limitées» contre des positions du Hezbollah. Depuis l’attaque du Hamas contre le sud d’Israël, il y a bientôt un an, la milice chiite libanaise a ouvert un front contre l’Etat hébreu et pilonne sans relâche sa frontière nord. Depuis deux semaines, relocalisant ses forces de Gaza vers le Liban, l’armée israélienne bombarde les positions du «parti de Dieu» et opère des frappes ciblées contre ses leaders militaires – éliminant au passage son grand chef, Hassan Nasrallah, vendredi 27 septembre.

Mais jusque-là, l’armée régulière du Liban n’était pas directement impliquée dans le conflit, et jouait profil bas. D’autant que dans le Sud-Liban, le Hezbollah agissait en maître du jeu, fort de plusieurs dizaines de milliers d’hommes surentraînés et financés par l’Iran. Les quelque 50 000 soldats de l’armée régulière libanaise ne réagissaient pas, en dépit de la violation de l’intégrité territoriale du pays par Israël. Mais les premières incursions terrestres, cette semaine, ont ravivé les douloureux souvenirs de 2006, lors de la dernière guerre entres les deux Etats.

Fragilités économiques et structurelles de l’armée

Coincée entre deux feux, l’armée libanaise se trouve dans une situation bien fragile. Miroir d’un Etat en lambeaux et surtout funambule : depuis la fin de la guerre civile (1975-1990), elle est soumise à de délicats équilibres confessionnels et politiques. Dirigée par un commandant maronite secondé d’un chef d’état-major druze, elle dispose aussi d’un conseil militaire est composé d’officiers chrétiens et musulmans. Une bonne entente entre les différents groupes politiques et confessionnels, fondement de la Constitution libanaise, est donc nécessaire à son efficacité.

Le manque de réaction de l’armée régulière s’explique aussi par des fragilités économiques structurelles. Sous-équipée, elle dépend presque exclusivement des Etats-Unis pour son armement. Elle a aussi subi de plein fouet la crise économique qui touche le pays depuis 2019 : les coupes budgétaires ont drastiquement réduit les salaires des soldats, provoquant une hémorragie massive des effectifs par démission ou désertion. La perfusion financière américaine a certes permis d’empêcher son délitement complet, remontant ses effectifs de moins de 30 000 hommes à environ 50 000. Mais cette aide a encore accru l’influence des Etats-Unis, qui refusent aussi de la voir trop puissante : «L’Occident ne souhaite pas que le Liban puisse un jour représenter une menace pour Israël», disait en août à la RTBF Elena Aoun, chercheuse à l’université de Louvain. Et c’est pourtant Israël, en progressant dans le sud du pays, qui l’oblige aujourd’hui à réagir.