Le 24 novembre, Tariq (1), professeur d’anglais, voit surgir deux curieuses vidéos dans la boucle WhatsApp consacrée à l’actualité de sa ville. Tulkarem est un gros bourg de la Cisjordanie occupée de 65 000 habitants, collé à la «ligne verte» qui sépare Israël et les Territoires palestiniens – s’il n’y avait pas le mur et les checkpoints, la Méditerranée ne serait qu’à un quart d’heure en voiture. Depuis l’été, les captations nocturnes d’incursion de l’armée israélienne, à la férocité renforcée depuis le début de la guerre à Gaza, ont remplacé les éphémérides hyperlocales. Mais les images qui s’affichent sur son écran ce jour-là sont d’un genre nouveau. Face caméra, deux hommes se confessent. Dans un coin du cadre, un logo consistant en deux fusils d’assaut croisés, surmonté des mots : «Service de sécurité de la résistance».

Le premier, visage tuméfié sous sa casquette, cigarette agonisante entre les phalanges, se lance dans un récit tortueux. Il se nomme Azam Juabra, il a bientôt 30 ans et vit dans un village voisin. Pendant des mois, sous les ordres d’un mystérieux «Abou Moustapha» rencontré sur Facebook, il a convoyé de l’argent liquide dans tout le nord de la Cisjordanie à plusieurs «shebab dans le mouvement», euphémisme pour désigner ces «jeunes» ayant pris les armes contre Israël, dans le sillage des cellules autonomes s’étant constituées à Jénine ou Naplouse et sa fameuse «Fosse aux lions» – nouveaux héros d’une génération désespérée qui en suit les explo