Un brouhaha s’échappe d’une synagogue d’obédience lituanienne dans l’enclave ultra-orthodoxe de Bnei Brak, soit 200 000 religieux chapeautés, entassés en banlieue de Tel-Aviv. A l’intérieur du modeste temple en béton crépi, des dizaines d’hommes, suant sur leurs talmuds. «On est au front», dit Schlomo Cahen, francophone, barbe broussailleuse orange, flanqué de son gendre poupin, Israël Breisachem. Le front, ici, à 80 kilomètres de Gaza ? «Tout se joue là-haut. La prière et l’étude aident nos soldats, les fusils ne font pas tout.» Alors, depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre et le début de la guerre, ils mettent les bouchées doubles.
Depuis des décennies, les haredim (les «craignant Dieu», en hébreu) vivent dans une sorte de dimension parallèle en Israël. Ils reconnaissent à peine l’Etat fondé en 1948 par les sionistes hilonim («laïcs», pour parler des Juifs non pratiquants), qui avaient bricolé un objet hybride, dosant aspirations libérales et identité juive, bien loin de la rigoureuse théocratie dont rêvent les religieux pour hâter l’apparition du messie. Quantité négligeable dans les premières années d’Israël, les haredim obtinrent