«Bonjour mademoiselle, quel est votre numéro de téléphone ?» récite Rami en français depuis le grand fauteuil de cuir et d’inox du barbier. «C’est comme ça qu’on dit pour trouver une copine, non ? J’aimerais vivre en Belgique et visiter la Suisse. Ça doit être tellement beau», sourit le jeune homme. Titulaire d’une licence d’administration des affaires de l’Université arabe américaine de Jénine, à 30 ans, il travaille comme chauffeur routier pour environ 400 euros par mois et n’est jamais sorti de Cisjordanie, territoire grand comme le Cantal et peuplé de 3 millions d’habitants, dont les deux tiers ont moins de 30 ans. Comme dans chaque boutique, les clients et le patron ont les yeux rivés sur la télé, où la chaîne qatarie Al-Jazeera diffuse en boucle les images de la dévastation causée par les bombardements d’Israël sur la bande de Gaza.
Depuis le 7 octobre, la muraille de béton qui enserre la Cisjordanie s’est un peu plus refermée sur la jeunesse palestinienne. Pour entrer dans Jénine par la route des Patriarches, axe commercial multimillénaire qui relie Nazareth à Jérusalem, on doit franchir depuis une vingtaine d’années un poste de sécurité fortifié tenu par l’armée israélienne. Mais la lourde barrière jaune est fermée depuis le début de la guerre. Il faut alors faire un immense déto