Toute la journée de ce samedi 28 octobre, dans le sud d’Israël, les tirs n’ont pas cessé en direction de la bande de Gaza, nourrissant de larges nuages gris foncé à l’horizon. Au lendemain de l’annonce de Tsahal qu’elle intensifiait les incursions sur Gaza, ils ont même semblé se multiplier au fil des heures, jusqu’à n’être plus qu’un grondement ininterrompu, comme un orage qui ne s’arrêterait jamais. Un bruit de fond troublé parfois par le passage d’un avion de chasse, par les sirènes annonçant une frappe du Hamas, ou par le bruit produit par l’interception d’une roquette par le Dôme de fer, le système de défense anti-aérienne de l’armée israélienne.
En ce samedi, jour de Shabbat, où toute l’activité cesse chaque semaine en Israël, Nétivot, grosse bourgade de 47 000 habitants située à 11 kilomètres de la bande de Gaza, n’est que brume et poussière. Lors de l’attaque du 7 octobre, les terroristes du Hamas n’ont fait que traverser la ville, déversant leur haine sur les localités et villages voisins, comme Ofakim, où des dizaines d’habitants sont morts. Nétivot a depuis été évacuée, même si les habitants des quartiers les plus pauvres sont restés. Dans les rues désertes, quelques familles endimanchées reviennent de la prière. A la sortie de la synagogue, Shimon, grand gaillard barbu d’une quarantaine d’années, une serviette-éponge sur l’épaule en guise de châle de prière, discute avec deux autres hommes. «Pourquoi on s’en irait ? Et pour aller où ? Au nord ? Pour quoi faire ?» interroge l’ancien militaire. Selon eux, plusieurs milliers de personnes seraient restées, peut-être même près de la moitié des habitants.
Canons tournés vers Gaza
Si Shimon et les autres s’en remettent à Dieu – pour certains, Nétivot, lieu de sépulture d’un célèbre rabbin, bénéficierait d’une protection divine –, cela n’empêche pas des projectiles du Hamas de tomber régulièrement sur la ville, comme la semaine dernière, où trois habitants ont été tués par une roquette qui a mis le feu à la bouteille de butane stockée sur leur balcon. «On est une petite communauté. On a tous perdu beaucoup d’amis et de proches, martèle Shimon. Aujourd’hui, tout le pays doit se réveiller et s’unir, les gens de gauche comme de droite. Et abattre le démon.»
Sur la route entre Nétivot et Sdérot, un éclair fuse à travers les maigres arbres du bas-côté – l’artillerie israélienne est installée à quelques mètres, dans les champs, et les canons tournés vers la bande de Gaza font feu régulièrement, des réserves d’obus rangés sur des palettes à leurs côtés. A chaque carrefour, des check-points, des routes coupées par les forces de l’ordre obligent à de longs détours. Tout le secteur est bouclé par l’armée israélienne. La ligne de front et les grands points de rassemblement de Tsahal, où sont alignés des centaines de chars et de véhicules, sont désormais inaccessibles aux journalistes. Tout comme la coupure d’Internet et des communications sur Gaza, l’objectif d’Israël semble être de plonger la région dans l’épais brouillard de la guerre.
«Miracle juif»
Dans Sdérot, localité de 27 000 habitants située à seulement 4 kilomètres de la bande de Gaza, des bannières annonçant un concert de jazz flottent au vent, le long des avenues vidées par la furie meurtrière de l’attaque du Hamas, le 7 octobre. La ville a payé un tribut très lourd ce jour-là. Chaque arrêt de bus possède son abri anti-aérien, recouvert de fresques enfantines. Dans ces casemates de béton peintes de nounours ou de chiots multicolores, les terroristes ont jeté des grenades sur ceux qui s’y étaient réfugiés. Une des routes qui longent le Mall 7, un grand centre commercial abandonné depuis trois semaines, est toujours fermée. Les épaves de voitures et les corps ont été retirés, mais les marques du carnage ne sont pas toutes effacées. Ce samedi 28 octobre, à l’heure du déjeuner, une roquette a échappé au Dôme de fer et est tombée sur la ville. «Miracle juif, twitte le Jerusalem Post. La roquette a endommagé une maison, mais a laissé indemne une photo de Baba Sali», rabbin d’origine marocaine enterré à Nétivot, dont les disciples disent qu’il a accompli des miracles avant sa mort en 1984.