Cinq femmes en liberté. Cinq, sur près de 242 personnes retenues en otage par le Hamas dans la bande de Gaza, à l’issue de l’attaque sanglante du 7 octobre sur Israël, où plus de 1 400 autres ont été tuées. Le 20 octobre, ce sont deux Israélo-Américaines qui ont été libérées. Trois jours plus tard, l’organisation terroriste islamiste relâchait deux autres femmes originaires du kibboutz (village agricole collectiviste) de Nir Oz. Le 29 octobre, c’était au tour d’une militaire israélienne lors d’une opération terrestre. Libé fait le point sur ce que l’on sait de ces rescapées.
Ori Megidish, 19 ans, libérée le 29 octobre
Il s’agit de la première soldate israélienne délivrée. Dans la nuit du dimanche 29 au lundi 30 octobre, «la soldate Ori Megidish a été libérée, lors d’une opération terrestre, après avoir été kidnappée par l’organisation terroriste Hamas le 7 octobre», ont annoncé le service de sécurité intérieure et l’armée israélienne dans un communiqué conjoint publié lundi. «Bon retour parmi nous, Ori. Je félicite le Shin Bet (le service de renseignements) et Tsahal (l’armée) pour cette réussite significative et émouvante, qui reflète notre engagement à ramener tous les captifs chez eux», a déclaré sur X (anciennement Twitter) le Premier ministre de l’Etat hébreu, Benyamin Nétanyahou.
Lors de son enlèvement, la jeune femme de 19 ans était observatrice de terrain à la base militaire de Nahal Oz, selon le journal israélien Haaretz. La plupart de ses collègues ont été assassinés ou pris en otage lors de l’attaque terroriste du 7 octobre. Le quotidien précise qu’Ori Megidish a été retrouvée seule, sans aucun autre otage. Dans les colonnes du Times of Israel, le porte-parole de l’armée israélienne, Daniel Hagari, a affirmé que la militaire gardait des souvenirs clairs de son passage dans la bande de Gaza, ce qui pourrait se révéler utile pour de prochaines opérations. Aucun détail n’a été donné sur les circonstances de son sauvetage.
Pour le Hamas, l’annonce de la libération d’Ori Megidish visait à détourner l’attention d’une vidéo de trois otages israéliennes publiée par l’organisation terroriste plus tôt le même jour. L’une d’entre elles accusait Benyamin Nétanyahou de les avoir abandonnées et l’appelait à procéder à un échange de prisonniers avec le Hamas afin d’obtenir leur libération.
En bonne santé, Ori Megidish a rejoint sa famille dans sa ville de Kiryat Gat, située à une trentaine de kilomètres de la frontière entre Israël et Gaza. Dans une vidéo, la jeune femme apparaît en train d’enlacer sa grand-mère, au beau milieu d’une fête de bienvenue organisée en son honneur. Autour de leur maison, des célébrations ont éclaté le soir de l’annonce de sa libération. Des chansons et des feux d’artifice se sont élevés de la foule rassemblée pour l’occasion. «Toute la famille est très impatiente de la voir. Regardez, toute la ville est ici. Tout le monde se réjouit pour Ori. Tu es notre héroïne Ori, on t’aime», s’est exclamée, émue, la tante d’Ori Megidish à la chaîne de télévision israélienne N12.
Yocheved Lifshitz, 85 ans, libérée le 23 octobre
Mardi 24 octobre à Tel-Aviv, Yocheved Lifshitz a été la première et la seule otage à raconter sa captivité, qui aura duré plus de deux semaines. La femme de 85 ans a pris la parole quelques heures seulement après sa libération, survenue en même temps que celle de Nurit Kuper, 79 ans. «Ils ont attaqué nos maisons. Ils ont tué et enlevé jeunes et vieux sans distinction. J’ai vécu un cauchemar inimaginable», murmure la convalescente en fauteuil roulant, lors d’une conférence de presse organisée devant l’hôpital Sourasky. Avec sa fille Sharone à ses côtés pour traduire ses paroles en anglais, l’octogénaire originaire du kibboutz de Nir Oz témoigne : «Les images de ce qui s’est passé se répètent sans cesse dans mon esprit.»
Après son enlèvement, la grand-mère a été transportée sur une moto, «attachée avec les jambes d’un côté et la tête de l’autre», puis emmenée dans la bande de Gaza. «Pendant que nous roulions, ils m’ont frappée avec un bâton en bois. Ils ne m’ont pas cassé les côtes, mais j’ai eu très mal et j’avais du mal à respirer», décrit-elle. Une fois arrivée dans l’enclave palestinienne, elle assure avoir été bien traitée par les hommes du Hamas.
A l’agence de presse Reuters, son petit-fils Daniel a décrit ses grands-parents comme des «activistes des droits humains et de la paix pendant toute leur vie». Jadis enseignante et photographe, Yocheved Lifshitz a passé plus de dix ans, avec son mari, à accompagner les habitants de la bande de Gaza qui tentaient de recevoir des soins médicaux de l’autre côté de la frontière.
L’ex-otage éprouve à l’encontre des autorités israéliennes une colère qui ne se dissipe pas. Informée avant le 7 octobre du risque d’une attaque, «l’armée n’a pas pris la chose au sérieux. Nous avons été livrés à nous-mêmes», accuse-t-elle. Son mari, âgé de 83 ans, est toujours retenu à Gaza.
Nurit Kuper, 79 ans, libérée le 23 octobre
L’Israélienne Nurit Kuper, 79 ans, a été relâchée lundi 23 octobre en compagnie de Yocheved Lifshitz, 85 ans. Les deux femmes viennent du kibboutz de Nir Oz, adjacent à la bande de Gaza, où des civils ont été massacrés par le Hamas le 7 octobre. A cette heure, peu d’informations circulent sur la vie ou la personnalité de Nurit Kuper. Son époux, Amiram Kuper, 84 ans, est, lui, resté prisonnier dans l’enclave palestinienne, d’après The Times of Israël.
A la fin de sa détention, dans une scène saugrenue filmée et diffusée sur Telegram par le Hamas, Nurit Kuper et Yocheved Lifshitz sont apparues encadrées par des membres de l’organisation terroriste. Les hommes, masqués et armés, se sont mis en scène en train de distribuer boissons et biscuits aux vieilles dames, avant de les remettre au personnel du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Transportées dans des ambulances puis dans un hélicoptère militaire, elles seront finalement prises en charge par le centre médical Sourasky de Tel-Aviv, Nurit Kuper reposant sur une civière. Le porte-parole des brigades Ezzedine al-Qassam, la branche armée du Hamas, a fait savoir que les deux femmes avaient été libérées «pour des raisons humanitaires pressantes».
Judith Tai Raanan et Natalie Shoshana Raanan, 59 ans et 17 ans, libérées le 20 octobre
Ce sont les premières otages dont la libération a été confirmée à la fois par le Hamas et l’Etat hébreu. Après quatorze jours de captivité, Judith Tai Raanan, 59 ans, et sa fille, Natalie Shoshana Raanan, 17 ans, ont été libérées dans la soirée du vendredi 20 octobre. Les Israélos-Américaines ont été enlevées par le Hamas le 7 octobre dans le kibboutz de Nahal Oz, où elles célébraient le 85e anniversaire de la grand-mère de la famille.
Mère et fille viennent d’Evanston, au nord de Chicago. Esthéticienne de profession, Judith est avant tout une artiste, selon ses proches, qui la décrivent comme une peintre prolifique. Née en Israël, elle a grandi à Holon, dans la banlieue de Tel-Aviv, raconte le quotidien israélien Haaretz. C’est au cours d’un voyage aux Etats-Unis qu’elle a rencontré le père de Natalie, Uri Raanan. Le couple finit par divorcer alors que Natalie est en maternelle. C’est à ce moment-là que Judith se met à pratiquer le judaïsme de manière assidue, et adhère à la mouvance ultraorthodoxe loubavitch. Pendant sa détention, sa sœur cadette Sheri expliquait au quotidien israélien qu’«elle est profondément connectée à sa foi et prie régulièrement à la synagogue. […] La spiritualité est au cœur de sa vie. Elle a le don pour se connecter avec les gens de tous âges et tous horizons».
Natalie, elle, est née aux Etats-Unis. Tout juste diplômée de ses études secondaires, l’adolescente est en pleine année sabbatique, décidée à voyager avant de choisir son parcours professionnel. Industrie de la mode, architecture d’intérieur, art du tatouage… Elle hésitait, selon son frère Ben, interrogé par le Denver Post avant la libération de la jeune femme.
Une fois libérées, «pour des raisons humanitaires» selon le Hamas, les deux otages ont été prises en charge à Gaza par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), avant de rejoindre «une base militaire du centre [d’Israël] où les attend [aient] des membres de leurs familles», a fait savoir le gouvernement israélien. La mère et la fille n’ont pour l’heure pas communiqué publiquement sur leur captivité.