Un calme troublant. Pour la première fois en six nuits d’un conflit inédit, ni Israël ni l’Iran n’ont communiqué sur d’éventuelles destructions liées aux échanges de bombardements. Pour la première fois, les défenses antiaériennes semblent avoir réussi de part à d’autres à contenir les assauts adverses.
Après avoir appelé les habitants des grandes villes israéliennes à évacuer, au début de la nuit, les Gardiens de la révolution, l’armée idéologique iranienne, ont annoncé avoir tiré des missiles supersoniques contre Israël. Mais selon un responsable militaire israélien, la plupart ont été interceptés. L’Etat hébreu dit aussi avoir frappé Téhéran, tôt mercredi matin. Mais une vidéo diffusée par l’agence de presse iranienne Mehr, où l’on voit des traînées rouges et des explosions dans le ciel de la capitale, semble indiquer, là aussi, que l’assaut fut intercepté par les défenses iraniennes. Tsahal revendique tout de même des frappes contre des sites de production de centrifugeuses et d’armes en Iran.
Ce relatif répit à l’aube du sixième jour d’un conflit étouffant s’explique essentiellement par le flou entretenu par les Etats-Unis de Donald Trump, qui semblent hésiter à s’impliquer militairement aux côtés d’Israël. Comme un souffle retenu par l’imprévisibilité du milliardaire, alors que se multiplient les appels à la désescalade.
L’indécision américaine
Depuis ce week-end, le président américain enchaîne les messages contradictoires, entre appel à la diplomatie et menaces plus ou moins franches contre Téhéran. Mais au cours des quarante-huit dernières heures, son discours semble avoir légèrement fléchi vers l’idée d’une intervention militaire autrefois impensable pour celui qui s’est présenté comme un «faiseur de paix» lors de la dernière présidentielle américaine – ce qui a en partie contribué à le faire élire.
Avant un conseil de sécurité à la Maison Blanche, ce mardi, il a donc agité sur son réseau Truth Social la menace d’un assassinat de l’ayatollah Khamenei – «Nous savons exactement où se cache le soi-disant «chef suprême». C’est une cible facile, mais il y est en sécurité. Nous n’allons pas l’éliminer (le tuer !), du moins pas pour l’instant» –, avant un lapidaire «REDDITION INCONDITIONNELLE !» Et surtout après avoir assuré disposer d’un «contrôle total et complet du ciel iranien» ; comme si les Etats-Unis étaient déjà impliqués dans le conflit aux côtés d’Israël qui n’a cessé de viser les défenses antiaériennes depuis le début de son opération pour asseoir sa domination.
Interview
Mais le pas n’est pas encore franchi pour la Maison Blanche, qui semble encore hésiter sur la bonne stratégie à adopter. En attaquant directement l’Iran, les Etats-Unis pourraient apporter à Israël l’arsenal qui lui manque pour en finir avec le programme nucléaire de Téhéran – en l’occurrence la GBU-57, une puissante bombe anti-bunker qui pourrait atteindre le site enfoui de Fordo, principal complexe d’enrichissement d’uranium iranien encore intact. Ce qui offrirait un succès majeur pour un Donald Trump qui a toujours eu la République islamique en horreur.
Attente angoissée
En revanche, si une telle offensive venait à échouer, cela aggraverait encore le conflit, et pousserait l’Iran à la fois à accélérer son programme tout en ciblant directement les bases américaines de la région.
Cette indécision laisse la plupart des alliés des Etats-Unis dans une posture attentiste et angoissée. Notamment les dirigeants du G7, dont le sommet annuel se tenait au Canada depuis lundi et que Donald Trump a quitté de façon anticipée. Mis à part le chancelier allemand Friedrich Merz, selon qui Israël fait «le sale boulot… pour nous tous», la plupart des dirigeants présents ont appelé à une solution négociée.
En exhortant à un retour à la table de négociations, Emmanuel Macron a rappelé que toutes les tentatives «de changer les régimes par des frappes ou des opérations militaires ont été des erreurs stratégiques». La cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas a insisté sur le fait qu’une éventuelle implication américaine «entraînerait la région dans un conflit plus large, ce qui n’est dans l’intérêt de personne».
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En attendant, l’attente la plus insupportable reste celle des civils, iraniens comme israéliens. Les frappes ont fait au moins 224 morts en Iran, selon un dernier bilan qui date de dimanche, et 24 en Israël. Après l’appel, lundi, de Donald Trump aux habitants de Téhéran à évacuer, la capitale se vide difficilement. Entre les frappes qui continuent et le carburant qui vient à manquer, la fuite est semée d’embûches dans une ville peuplée de quelque 10 millions d’habitants.