Difficile de ne pas remarquer le Motto Café, un petit bar à la décoration pourtant sans âme niché dans une petite voie du centre-ville de Van. Depuis la rue, en dépit des portes fermées, le niveau de décibels atteint déjà la limite supportable pour l’oreille humaine, un DJ surexcité sautant sur place derrière la vitre et alternant les tubes de pop iranienne.
Le Motto est l’un des points de rencontre de la communauté iranienne, nombreuse dans cette grande ville de l’est de la Turquie à majorité kurde, située à une centaine de kilomètres de la frontière de la république islamique. Une fois passée la porte du bar, l’affichage est essentiellement en langue farsi et les consommateurs tous d’origine iranienne. Deux jeunes femmes très maquillées se trémoussent sur une mini piste de danse improvisée au milieu des tables où la bière et l’alcool fort coulent à flots, sous les yeux d’une clientèle disparate et assez improbable : ici, deux hommes goguenards, visiblement alcoolisés, qui louchent lourdement sur les danseuses ; là, des parents qui tirent sur leur narguilé, noyant leur progéniture dans un nuage de fumée.
Delara (1) est originaire de Tabriz, une grande ville du nord-ouest de l’Iran dont la population est à majorité azérie et parle une langue proche du turc parlé en Turquie. Elle travaille dans le secteur du tourisme et multiplie les séjours à Van, profitant du régime sans visa accordé aux Iraniens qui peuvent séjourner librement jusqu’à 90 jours sur le territoire turc. «Ici