Les épaules lourdes et le regard abîmé, Oum Bassem étale sur le sol quelques photos aux teintes fanées, pareilles à des fragments de souvenirs estompés. Sur l’une d’elles, un garçon chétif, le torse maigre et les joues creusées, fixe la caméra. Ses clavicules semblent ronger sa peau. «C’est mon fils, Abbad. Le sida l’a emporté en 1992, il n’avait que 12 ans. Deux de ses frères sont aussi décédés à cause du virus, en 1997, puis en 2005.»
De l’arrière de sa maison, une bâtisse de briques nues coincée entre les rues enchevêtrées d’un faubourg de Bagdad exhalant de chaleur, Oum Bassem rapporte quelques affiches plastiquées servant les jours de manifestation. Cette fois-ci ce sont les visages de quatorze enfants figés par un cliché datant de 1988 qui observent sagement l’objectif. «Ils sont tous morts infectés par le VIH», explique simplement la vieille femme. «Aujourd’hui, nous réclamons des réparations à la firme française Sanofi, responsable de ces contaminations.»
L’affaire remonte au mitan des années 80, alors que la France est frappée de plein fouet par l’épidémie de sida. Dès le 1er octobre 1985, un arrêté ministériel met fin au remboursement des produits sanguins non chauffés, utilisés pour traiter l’hémophilie, avant d’en interdire leur commercialisation sur le sol français le mois suivant. Car la technique du chauffage, découverte deux ans plus tôt, permettait de neutraliser le virus du VIH présent dans le sang de donneurs infectés et devait, en princ