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Le point sur les faits

Tensions Iran-Israël : ce que l’on sait de la saisie d’un porte-conteneurs «lié» à l’Etat hébreu

Téhéran a annoncé ce samedi 13 avril transférer dans ses eaux territoriales le «MSC Aries», saisi dans le détroit d’Ormuz et qui appartiendrait à un homme d’affaires israélien. L’Etat hébreu se dit «prêt à réagir» face à la République islamique.
Une capture d'une vidéo qui montrerait l'hélicoptère des Gardiens de la révolution iraniens se posant sur le MSC Aries, ce samedi 13 avril 2024. (REUTERS)
publié le 13 avril 2024 à 12h48
(mis à jour le 13 avril 2024 à 14h28)

Il pourrait s’agir de la riposte iranienne redoutée depuis plusieurs jours. Un navire «lié à Israël», le MSC Aries, a été arraisonné par l’Iran au large des côtes des Emirats arabes unis ce samedi 13 avril, ce à quoi l’Etat hébreu a répondu par des menaces. Alors que cet abordage dans le stratégique détroit d’Ormouz reste flou et que le contexte au Proche-Orient est extrêmement inflammable, Libération fait le point.

Les faits

C’est par la voix de l’Agence de presse de la République islamique (Irna) que l’Iran a annoncé ce samedi en début d’après-midi son opération. «Un porte-conteneurs baptisé MCS Aries a été saisi par les forces spéciales maritimes» des Gardiens de la révolution iraniens, l’armée idéologique de la République islamique, au cours «d’une opération menée avec un hélicoptère près du détroit d’Ormuz», a déclaré l’Irna. L’agence officielle a précisé que ce navire était en train d’être «dirigé vers les eaux territoriales» de l’Iran.

La société de sécurité britannique Ambrey a déclaré avoir «observé des images fixes montrant au moins trois individus sautant rapidement d’un hélicoptère sur ce qui semblait être un porte-conteneurs», ajoutant que les Gardiens de la Révolution «avaient déjà utilisé cette méthode d’abordage lors de la saisie de navires dans le détroit d’Ormuz».

Des vidéos sur les réseaux montreraient ce raid, bien qu’elles n’aient pas encore été authentifiées.

La zone où a eu lieu l’abordage, le détroit d’Ormuz, relie le golfe Persique et le golfe d’Oman. Elle est l’un des points maritimes les plus stratégiques de la planète, car il s’agit de l’unique point de passage pour les exportations de plusieurs producteurs majeurs du Moyen-Orient. Cette étroite bande d’eau est le théâtre de vives tensions depuis plusieurs années.

Le navire

Le porte-conteneurs, qui bat pavillon portugais, est géré par la compagnie Zodiac, appartenant à un homme d’affaires israélien, le «capitaliste sioniste Eyal Ofer», dixit l’agence de presse d’Etat iranienne.

De son côté, la compagnie internationale de gestion de navires Zodiac Maritime fait savoir que «le titre de propriété du porte-conteneurs saisi est détenu par Gortal Shipping Inc., affilié à Zodiac en tant que financier». Et de poursuivre : «Il est loué à MSC», et ce pour «du long terme». Pour rappel, MSC est l’acronyme de Mediterranean Shipping Company, armateur italo-suisse dont le siège est à Genève et numéro 2 mondial du fret maritime. Selon Zodiac Maritime, «MSC est le gestionnaire et l’opérateur commercial du navire», et donc «responsable de toutes [ses] activités», «y compris des opérations de cargaison et de maintenance».

L’entreprise MSC s’est exprimée peu après, disant «avoir le regret de confirmer que le MSC Aries, propriété de Gortal Shipping Inc, qui est affilié à Zodiac Maritime, et affrété par MSC, a été arraisonné par les autorités iraniennes par hélicoptère». Elle a précisé que «25 membres d’équipage» se trouvaient à bord au moment de l’abordage.

Les réactions

L’armée israélienne a réagi d’emblée, par la voix de son porte-parole Daniel Hagari : l’Iran «subira les conséquences de son choix d’aggraver davantage la situation», a-t-il mis en garde. «Nous avons renforcé notre préparation pour protéger Israël d’une nouvelle agression iranienne. Nous sommes également prêts à réagir», a ajouté le porte-parole de Tsahal dans une déclaration.

«Le régime des ayatollahs de Khamenei est un régime criminel qui soutient les crimes du Hamas et qui mène actuellement une opération pirate en violation du droit international», a pour sa part fustigé le ministre israélien des Affaires étrangères, Israël Katz. «J’appelle l’Union européenne et le monde libre à déclarer immédiatement le corps des Gardiens de la révolution iranienne comme une organisation terroriste et à sanctionner l’Iran dès maintenant», a-t-il ajouté.

Face à ces derniers développements, Joe Biden a décidé d’écourter son séjour ce week-end dans sa résidence balnéaire du Delaware pour rallier en urgence Washington, a annoncé la Maison blanche ce samedi soir. De retour dans la capitale, le président américain «consultera son équipe de sécurité nationale sur les événements au Moyen-Orient».

«Nous condamnons fermement la saisie par l’Iran dans les eaux internationales du navire MSC Aires, battant pavillon portugais et sous propriété britannique», a par ailleurs déclaré la porte-parole du Conseil de sécurité nationale Adrienne Watson. «Nous appelons l’Iran à libérer immédiatement ce navire et son équipage, composé d’Indiens, de Philippins, de Pakistanais, de Russes et d’Estoniens», a-t-elle ajouté dans un communiqué.

En parallèle, au cours d’un entretien téléphonique avec son homologue israélien, Yoav Gallant, le ministre américain de la défense, Lloyd Austin, a réitéré ce samedi le soutien indéfectible des Etats-Unis à la défense de l’Etat hébreu.

Le contexte

Cette saisie intervient dans un contexte de vives tensions depuis le début de la guerre en octobre entre Israël et le Hamas palestinien dans la bande de Gaza, et de craintes d’un embrasement global du Proche-Orient depuis quelques jours.

Car la situation s’est encore détériorée avec l’attaque menée le 1er avril contre le consulat iranien à Damas, en Syrie, imputée à Israël. Téhéran a promis de «punir» l’Etat hébreu après cette frappe qui a fait, selon une ONG, 16 morts parmi lesquels deux généraux des Gardiens de la révolution.

Depuis cet épisode, de nombreuses hypothèses circulent sur la riposte que pourrait mener l’Iran. Le président américain, Joe Biden, a déclaré vendredi soir s’attendre à ce que Téhéran passe «bientôt» à l’action et les Etats-Unis ont annoncé l’envoi de troupes supplémentaires vers le Moyen-Orient.

Les Pays-Bas ont annoncé ce samedi fermer, «par précaution», leur ambassade en Iran ainsi que leur consulat à Erbil, dans le Kurdistan irakien. Plusieurs pays dont la France, l’Allemagne ou les Etats-Unis, ont par ailleurs réitéré leurs appels à leurs ressortissants à ne pas se rendre en Iran. La veille, la compagnie allemande Lufthansa et sa filiale autrichienne Austrian Airlines ont annoncé suspendre leurs vols de et vers Téhéran.

Mise à jour : à 19h54, avec l’ajout de la déclaration de la porte-parole du Conseil de sécurité nationale.