Menu
Libération
Interview

Iran : «La disparition d’Ebrahim Raïssi ne marquera pas de rupture»

Directeur de recherche émérite au CNRS, Bernard Hourcade décrypte ce qui pourrait advenir au niveau politique et social après la mort dimanche du président iranien Ebrahim Raïssi, dans le crash de l’hélicoptère dans lequel il voyageait.
Ebrahim Raïssi en novembre 2022 lors d'un discours devant les anciens locaux de l'ambassade américaine à Téhéran. (ATTA KENARE/AFP)
publié le 19 mai 2024 à 22h23
(mis à jour le 20 mai 2024 à 6h44)

Quels changements politiques pourraient survenir en Iran après la mort d’Ebrahim Raïssi ?

Le régime sera toujours en place, car le patron, c’est le guide suprême, Ali Khamenei. La disparition d’Ebrahim Raïssi ne marquera pas une rupture car le pays est trop bien contrôlé par celui-ci. Le problème, pour le gouvernement reste la survie de la république islamique. Or la mort d’Ebrahim Raïssi vient s’inscrire dans ce contexte. Les plus durs, qui ont emporté les élections législatives de mars, diront qu’il faut être ferme et radical. D’autres, comme le président du Parlement, Mohammad Ghalibaf, pourraient au contraire vouloir lâcher du lest, mais en restant ferme sur le principe. Tous se préparaient pour l’élection présidentielle de 2025. La mort de Raïssi vient anticiper cela.

Sa mort peut-elle avoir des conséquences au niveau social ?

La crispation sociale est très forte, la société iranienne est à cran. Après la mort de Mahsa Amini et les manifestations qui ont suivi, le régime a eu très peur. Le pays est toujours secoué par une forte crise économique et par le mécontentement de différentes classes sociales, alors que l’agitation dans la province du Baloutchistan (sud-est) n’a jamais cessé. Le fait que ces gens-là veuillent garder la république islamique, mais à leur façon, pourrait exacerber les tensions. De nouveaux phénomènes de protestation pourraient émerger, par exemple chez les retraités ou chez les instituteurs, et conduire à un mouvement du type de celui qui a lieu après la mort de Mahsa Amini.

Et sur la scène régionale et internationale ?

Sur la guerre à Gaza, où l’Iran est toujours très impliquée, comme l’a montré il y a un mois l’attaque sur Israël avec 300 drones et missiles, tout se joue à une nuance près. Or un changement de nuance pourrait être important. Un président plus pragmatique, un certain nombre de gens réalistes, pourraient accepter le principe d’une solution à deux Etats.

Qui pourrait lui succéder ?

Une élection sera organisée d’ici cinquante jours. L’émotion peut amener à une radicalisation plus forte, ou au contraire à certains assouplissements si le président élu était le dirigeant du Parlement, Mohammad Ghalibaf. Celui-ci concourra sans doute, comme Hassan Rohani, ancien président modéré, Manoutchehr Mottaki, ancien ministre des Affaires étrangères de Mahmoud Ahmadinejad de 2005 à 2010, Mohsen Rezaï, ancien commandant des Gardiens de la révolution, ou le député conservateur Mojtaba Zolnouri.

Mis à jour ce lundi 20 mai à 6 h 45 avec confirmation de la mort du président iranien.