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Libération
Grève de la faim

Iran : Narges Mohammadi, prix Nobel de la paix, est en «danger de mort»

Le collectif d’avocats Iran Justice et Reporters sans frontières ont saisi, ce mercredi 8 novembre, le groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU d’une plainte à l’encontre des autorités iraniennes pour mettre fin «sans délai à la détention arbitraire» de la militante des droits de l’homme.
Narges Mohammadi. (AFP)
publié le 8 novembre 2023 à 18h03
(mis à jour le 10 novembre 2023 à 12h00)

Pour avoir refusé de porter le voile obligatoire, Narges Mohammadi est en «danger de mort», alerte sa famille. Privée des soins urgents dont elle a besoin en raison de ses troubles cardiaques et pulmonaires importants, la lauréate du prix Nobel de la paix 2023, incarcérée dans la tristement célèbre prison d’Evin, à Téhéran, a entamé une grève de la faim ce lundi 6 novembre – la seconde depuis 2016 – en signe de protestation contre cette mesure.

Alors que son transfert vers l’hôpital était rejeté pour la troisième fois en vingt jours, la militante iranienne des droits humains a déclaré «refuser de choisir entre la mort et le voile obligatoire». Son état de santé s’est dégradé dès le lendemain. Lors d’une visite en prison, un cardiologue a déclaré que plusieurs de ses artères étaient bouchées à 50 % et appelé à sa prise en charge médicale immédiate. En solidarité, sept de ses codétenues l’ont depuis rejointe dans sa grève de la faim, exigeant elles aussi que des soins lui soient prodigués de toute urgence.

«Détention arbitraire»

La journaliste de 51 ans a finalement été conduite à l’hôpital ce 8 novembre. L’administration pénitentiaire du régime a publié un communiqué rassurant, faisant état d’examens médicaux «normaux». Une «nouvelle tentative des autorités de reprendre le contrôle du narratif et de la communication pour éviter une mobilisation internationale» autour du cas du Prix Nobel, estime Chirinne Ardakani, l’avocate de la famille de Narges Mohammadi. L’époux de l’activiste, le dissident iranien Taghi Rahmani, réfugié à Paris, appelle pour sa part la communauté internationale à se «mobiliser massivement» : «Sa vie est aujourd’hui en danger et le gouvernement iranien sera tenu pour responsable de tout ce qu’il pourrait advenir à compter de ce jour.»

Le 10 novembre, la quinquagénaire a finalement annoncé qu’elle recommençait à s’alimenter après avoir été transférée à l’hôpital «sans porter le voile obligatoire.» Une véritable «victoire» pour ses proches : «Si elle a décidé de cesser de s’alimenter, c’est vraiment que les autorités l’ont poussée à bout. Cette grève de la faim était son dernier recours. Mais il faut désormais qu’elle soit hospitalisée, sinon sa vie sera en danger.»

Militante contre la peine de mort et pour les droits des femmes, cette mère de deux enfants est incarcérée à la prison d’Evin depuis le 16 novembre 2021. Elle purge actuellement une peine de dix ans et neuf mois de réclusion, assortie d’une centaine de coups de fouet. Ce 8 novembre, le collectif d’avocats Iran Justice et Reporters sans frontières (RSF) ont déclaré saisir le groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU d’une plainte à l’encontre des autorités iraniennes. Celle-ci vise à la mise en œuvre d’une procédure dite «d’action urgente» qui consiste à adresser, par la voie diplomatique, une lettre d’allégation au gouvernement, lui enjoignant de mettre fin «sans délai à la détention arbitraire» de la militante pour les droits humains, peut-on lire dans un document que Libération a pu consulter. Le comité d’experts onusien doit également enquêter sur «les conditions de détention et les traitements inhumains et dégradants infligés à Narges Mohammadi par ses geôliers».

Dans plusieurs lettres qu’elle a réussi à faire sortir clandestinement de la prison, la journaliste a décrit à plusieurs reprises les effroyables conditions de détention à Evin – les «corps meurtris, gonflés d’hématomes», «les passages à tabac», «les aveux forcés» ou les «agressions sexuelles» commis par les agents du régime. Dans son documentaire et livre du même nom, White Torture, elle a également mis en lumière le traitement épouvantable infligé aux détenus placés en cellule d’isolement pour les forcer à avouer des crimes dont ils ne sont parfois pas coupables.

Mis à jour le vendredi 10 novembre à midi, avec la fin de la grève de la faim.