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Instabilité

Israël: la coalition au pouvoir veut dissoudre le Parlement et provoquer des élections

Faute de parvenir à «stabiliser la coalitation au pouvoir», le Premier ministre israélien et le chef de la diplomatie ont annoncé ce lundi qu’un projet de loi pour dissoudre le Parlement et provoquer de nouvelles élections anticipées allait être soumis au vote la semaine prochaine.
Le Premier ministre Naftali Bennett, à droite, et le chef de la diplomatie Yaïr Lapid à sa gauche, à Jérusalem dimanche 15 mai 2022. (Abir Sultan/AP)
publié le 20 juin 2022 à 19h35
(mis à jour le 20 juin 2022 à 21h01)

Vers des législatives anticipées, les cinquièmes en trois ans, en Israël ? L’annonce est tombée ce lundi : un projet de loi pour dissoudre le Parlement et ainsi provoquer des élections anticipées va être présenté en Israël. A son initiative, le Premier ministre israélien Naftali Bennett et le chef de la diplomatie Yaïr Lapid, les deux leaders de la coalition au pouvoir en Israël.

«Après avoir épuisé toutes les tentatives de stabiliser la coalition, le Premier ministre Naftali Bennett et […] Yaïr Lapid ont décidé de faire voter la loi (de dissolution du Parlement) à la Knesset la semaine prochaine», soulignent-ils dans un communiqué, précisant que «la rotation se fera de manière ordonnée».

Bennett et Lapid avaient réuni en juin 2021 une coalition unique dans l’histoire d’Israël réunissant des partis de droite, de centre, de gauche, et pour la première fois, une formation arabe. L’objectif était de mettre un terme à 12 ans sans discontinuer au règne de Benjamin Netanyahu à la tête du gouvernement.

Or l’accord de coalition Bennett-Lapid prévoyait aussi une rotation entre les deux hommes à la tête du gouvernement et le remplacement Bennett par Lapid en cas de dissolution du Parlement. Si le projet de loi visant à dissoudre le Parlement est adopté par les députés la semaine prochaine, Yaïr Lapid deviendra ainsi le nouveau Premier ministre d’Israël, jusqu’à la tenue de nouvelles élections législatives à l’automne.

Yair Lapid deviendra «bientôt» Premier ministre, a confirmé lundi soir Bennett, s’engageant à respecter l’accord entre les deux hommes. Naftali Bennett «place les intérêts du pays avant ses intérêts personnels», a soutenu à ses côtés Lapid, qui devrait être Premier ministre lors de la visite prévue à partir du 13 juillet prochain du président américain Joe Biden, sa première en Israël depuis son arrivée à la Maison Blanche en janvier 2021.

La crise des colons

La coalition a trébuché sur la question du renouvellement de la loi sur les colons qui permet l’application des lois israéliennes aux plus de 475 000 colons israéliens vivant en Cisjordanie occupée. En vigueur depuis le début, en 1967, de l’occupation israélienne de la Cisjordanie, cette loi est automatiquement ratifiée tous les cinq ans par le Parlement.

Mais l’opposition - qui soutient pourtant en grande partie cette loi - a infligé le 6 juin dernier un camouflet à la coalition en réunissant une majorité de voix contre le renouvellement de cette loi dans l’espoir de montrer les tensions internes dans la coalition.

En effet, deux membres de la coalition, un député du parti arabe Raam et une députée arabe de la formation Meretz (gauche), ont voté contre le projet de loi, remettant ainsi en cause la stabilité du gouvernement dirigé par Naftali Bennett.

Cette loi devait être renouvelée d’ici le 30 juin sans quoi les colons israéliens en Cisjordanie risquaient de perdre leur protection légale en vertu du droit israélien. En cas de dissolution de la chambre toutefois, cette loi était automatiquement prorogée.

«Avec l’expiration de cette loi, Israël risquait de sérieux problèmes sécuritaires et un chaos légal. Je ne pouvais admettre cela», a expliqué Naftali Bennett chef de la formation de droite radicale Yamina qui concentre ses appuis justement chez les colons, pour justifier la dissolution du Parlement.

Nétanyahou en embuscade

Au cours des semaines précédant ce vote, la coalition avait déjà perdu sa majorité avec le départ d’une députée du parti Yamina de Naftali Bennett. Et depuis ce vote, un autre député de cette formation de droite, Nir Orbach, a menacé de ne plus soutenir le gouvernement.

Dans ce contexte, l’opposition menée par l’ex-Premier ministre Benyamin Nétanyahou, accusé de corruption dans une série d’affaires, menaçait de déposer dès mercredi 22 juin un projet de loi pour dissoudre le Parlement.

Mais la coalition a voulu prendre l’initiative en appelant elle-même à la dissolution du Parlement, ce qui mènerait, à de nouvelles élections le 25 octobre prochain selon les médias locaux, les cinquièmes en moins de quatre ans en Israël.

Les derniers sondages placent toujours le Likoud (droite) de Nétanyahou en tête dans les intentions de vote, mais sans dépasser le seuil de la majorité (61 députés sur les 120 du Parlement) avec ses alliés des partis ultra-orthodoxes et de l’extrême-droite.

«Il est clair pour tous que le gouvernement le plus défaillant de l’histoire a terminé son parcours», a réagi en soirée Nétanyahou, disant vouloir réunir «une majorité de droite» dans un «gouvernement stable et fort» plutôt que chercher à rallier un parti arabe.

«Dans tous les sondages des deux derniers mois, un seul a crédité Netanyahu et ses alliés de 61 sièges et cela fait quelques semaines déjà. Donc ce n’est pas comme s’il y avait une tendance favorable» à son égard, a indiqué à l’AFP l’analyste israélienne Dahlia Scheindlin. Pour Yohanan Plesner, président de l’Institut démocratique d’Israël, un centre d’analyse basé à Jérusalem, la décision de dissoudre la Knesset témoigne d’une chose : «la pire crise politique de l’histoire politique d’Israël n’a pas pris fin avec l’arrivée au pouvoir» de la coalition.

Mise à jour à 21 heures avec les déclarations de Bennett, Lapid et Nétanyahou