Menu
Libération
Divisions

Israël : l’ex-procureure générale de l’armée arrêtée pour avoir fait fuiter une vidéo de sévices infligés à un détenu palestinien

Après avoir annoncé sa démission vendredi, la juriste la plus haut gradée de la hiérarchie militaire israélienne est en garde à vue. Elle est accusée d’avoir autorisé la diffusion d’images montrant un groupe de soldats brutaliser et violer un détenu palestinien en 2024.

La procureure générale de l'armée israélienne, Yifat Tomer-Yerushalmi, à la Cour suprême de Jérusalem, le 1er octobre 2024. (Oren Ben Hakoon/AP)
Publié aujourd'hui à 12h50, mis à jour le 03/11/2025 à 12h51

Bras de fer entre la justice israélienne et le gouvernement de Benyamin Nétanyahou. Yifat Tomer-Yerushalmi, procureure générale de l’armée israélienne – juriste la plus haut gradée de la hiérarchie militaire – a remis sa démission vendredi 31 octobre. En cause ? La magistrate de 51 ans est accusée d’avoir secrètement autorisé la diffusion d’une vidéo prise par une caméra de surveillance dans la base militaire de Sde Teiman, montrant un groupe de soldats israéliens brutaliser et violer un détenu palestinien en juillet 2024.

Après l’annonce de sa démission, Yifat Tomer-Yerushalmi avait brièvement disparu dimanche, déclenchant des spéculations médiatiques sur une possible tentative de suicide. Dans un message sur Telegram, le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a annoncé ce lundi 3 novembre qu’il «a été convenu qu’à la lumière des événements de la nuit dernière, le Service pénitentiaire agirait avec une vigilance accrue pour assurer la sécurité de la détenue dans le centre de détention où elle a été placée en garde à vue».

«Il est impératif d’enquêter sur les soupçons d’actes illégaux»

Dans sa lettre de démission publiée vendredi par la presse, Yifat Tomer-Yerushalmi reconnaît que ses services avaient fait fuiter la vidéo dans les médias. Mais la magistrate est claire, «il est, même dans le cadre d’une guerre longue et douloureuse, impératif d’enquêter sur les soupçons d’actes illégaux. Il s’agit là de notre devoir, sur les plans juridique et éthique».

L’affaire, qui avait éclaboussé l’armée en plein conflit dans la bande de Gaza, avait débuté en août 2024 avec la diffusion par la chaîne israélienne Channel 12 d’images filmées par une caméra de surveillance, ensuite reprise par de nombreux médias. Sans les montrer clairement, la vidéo suggérait de graves violences exercées par des soldats israéliens sur un détenu palestinien. En février, cinq soldats ont été inculpés dans cette affaire pour mauvais traitement d’un détenu palestinien – notamment pour avoir cassé les côtes du détenu, perforé son poumon gauche et déchiré son rectum.

Divisions en Israël

L’affaire met en lumière les profondes divisions en Israël quant aux responsabilités des auteurs de mauvais traitements infligés aux Palestiniens en détention. Le New York Times, qui a décrit le fait que «la vidéosurveillance divulguée ne permet pas de voir clairement ce qui s’est passé pendant l’agression d’une quinzaine de minutes», a analysé : «A présent, certains Israéliens, y compris des membres du gouvernement du Premier ministre, Benyamin Nétanyahou, utilisent les révélations sur les fuites pour tenter de discréditer complètement les accusations visant les soldats.»

Ce lundi matin, la chaîne israélienne Channel 12 rapporte que la police soupçonne Yifat Tomer-Yerushalmi – qui avait laissé dimanche une lettre pouvant évoquer la volonté de se donner la mort – d’avoir mis en scène sa disparition afin de pouvoir se débarrasser de son téléphone, susceptible de contenir des informations compromettantes.

Traitements de torture

Dès vendredi 31 octobre, à la suite de la démission de la magistrate, Benyamin Nétanyahou a appelé à une «enquête indépendante et impartiale» sur la fuite de la vidéo. «L’incident de Sde Teiman a causé un immense préjudice à l’image d’Etat d’Israël», a-t-il ajouté. Dans sa lettre de démission, Yifat Tomer-Yerushalmi avait pour sa part affirmé avoir autorisé la diffusion des images «dans le but de contrer la fausse propagande dirigée contre les autorités chargées de l’application de la loi militaire».

En juillet 2024, l’affaire avait valu à Israël une condamnation internationale, le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, avait publié un rapport selon lequel, depuis l’attaque du 7 Octobre, de nombreux Palestiniens avaient été emprisonnés dans le secret avec dans certains cas un traitement pouvant s’apparenter à de la torture.