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Guerre au Proche-Orient

Israël a mené des «frappes de précision» sur l’Iran pendant la nuit

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L’armée israélienne dit avoir conduit des «frappes de précision» sur des cibles militaires en Iran, en représailles à l’attaque iranienne du 1er octobre. Plusieurs explosions ont retenti dans le pays. Téhéran parle de «dégâts limités».
Une vue nocturne de Téhéran, la capitale iranienne, où Israël a mené des frappes dans la nuit de vendredi à samedi (Reuters) (Majid Asgaripour/via REUTERS)
publié le 26 octobre 2024 à 3h54

C’est une étape de plus, inédite, dans le cycle de violences et de représailles qui secoue, depuis plus d’un an, le Proche-Orient. L’armée israélienne a mené dans la nuit de vendredi à samedi des «frappes de précisions» sur des cibles militaires iraniennes, dont des sites de fabrication de missiles. Plusieurs explosions puissantes ont été entendues dans le pays, près de Téhéran, la capitale, mais aussi à Ispahan et Mashaad. En admettant publiquement, pour la toute première fois, des frappes contre son ennemi juré, Tel-Aviv a envoyé un message au régime des mollahs. Et mis à exécution sa menace de riposter à l’attaque iranienne du 1er octobre, quand 200 missiles avaient été tirés sur le territoire israélien, pour la plupart interceptés.

«En réponse à des mois d’attaques continues du régime iranien contre l’Etat d’Israël, l’armée israélienne mène en ce moment des frappes précises sur des cibles militaires en Iran», a indiqué le porte-parole de l’armée israélienne, Daniel Hagari, dans une courte vidéo postée sur le réseau social X (ex-Twitter) peu après 1 h 30 du matin, heure de Paris. «Le régime iranien et ses alliés dans la région n’ont eu de cesse d’attaquer Israël depuis le 7 octobre (2023) - sur sept fronts - dont des attaques depuis le sol iranien (….). L’Etat d’Israël a le droit et le devoir de répondre. Nos capacités défensives et offensives sont pleinement mobilisées», a ajouté le porte-parole de Tsahal.

Les premières détonations ont retenti vers 02 h 15 du matin, heure locale (une heure de moins à Paris), principalement à l’ouest de Téhéran, selon l’agence de presse officielle Irna. «Il y a quelques minutes, de fortes explosions ont été entendues dans les environs de Téhéran», a déclaré peu après un présentateur de la télévision d’Etat iranienne, ajoutant que leur «origine» n’était pas «claire» et faisant état par la suite de «six fortes détonations […] dans des quartiers de Téhéran». De son côté, l’agence Fars News, affilée aux Gardiens de la révolution iraniens, a indiqué sur X qu’Israël avait attaqué «plusieurs bases militaires à l’ouest et au sud-ouest de Téhéran» et que «certains bruits d’explosion étaient liés aux tirs de la défense aérienne».

Une seconde salve de détonations a été entendue à Téhéran vers 03h30, sans que l’on sache s’il s’agissait de missiles israéliens ayant atteint leur cible ou de tirs de la défense antiaérienne iranienne. L’aviation civile iranienne a annoncé la suspension jusqu’à nouvel ordre de tous les vols dans son espace aérien, tout comme l’Irak voisin. De son côté, l’agence nationale officielle syrienne Sana a indiqué, en citant une source militaire, que la défense antiaérienne de l’armée syrienne avait été activée dans la nuit pour déjouer une attaque de «l’ennemi israélien».

Enfin, vers 6 heures, heure locale, moins de quatre heures après les premières frappes, Tsahal a indiqué la fin de son opération et donné des précisions sur les cibles visées. L’armée israélienne dit avoir frappé des installations de fabrication de missiles, des batteries de missiles sol-air et d’autres systèmes aériens. En clair, uniquement des cibles militaires. «Si le régime iranien commettait l’erreur d’entamer un nouveau cycle d’escalade, nous serions obligés de réagir», a mis en garde Daniel Hagari dans un nouveau message.

Dans un communiqué publié tôt samedi, Téhéran a confirmé l’attaque contre son territoire. Israël a «attaqué des centres militaires dans les provinces de Téhéran et celles du Khouzestan (sud-ouest) et d’Ilam (ouest)», limitrophes de l’Irak, «dans le cadre d’une opération génératrice de tensions», ont indiqué les forces de défenses aériennes, ajoutant que l’attaque avait causé «à certains endroits des dégâts limités».

Washington informé… mais pas impliqué

D’après le quotidien israélien Haaretz, le cabinet de sécurité israélien avait voté à l’unanimité vendredi soir pour autoriser les frappes contre l’Iran. La décision a été prise lors d’une discussion téléphonique, après plusieurs semaines de discussions et de délibérations portant notamment sur l’ampleur de l’attaque israélienne contre son ennemi juré. Dans la nuit, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a dirigé sur la base militaire de Kirya, à Tel-Aviv, une réunion d’évaluation avec les principaux responsables de l’armée et des services de sécurité, a indiqué son porte-parole.

Signe de l’attention portée par Washington à la situation dans la région, et à la nervosité que suscite cette escalade de violence, la Maison Blanche a mis moins d’une heure à réagir publiquement. «Nous comprenons que les frappes ciblées d’Israël contre des cibles militaires en Iran constituent des manœuvres d’autodéfense et viennent en réponse à l’attaque de missiles balistiques iraniens contre Israël le 1er octobre», a déclaré Sean Savett, porte-parole du Conseil de sécurité national de l’exécutif américain.

Selon plusieurs médias américains, qui citent des sources sécuritaires, les Etats-Unis ont été informés par Israël de l’imminence de ces frappes contre l’Iran, mais n’y sont pas directement associés. Un responsable de la Maison Blanche a indiqué que le président Joe Biden, qui se trouve dans sa résidence du Delaware, et la vice-présidente Kamala Harris, en déplacement au Texas pour un meeting de campagne, avaient tous les deux été «briefés» sur les frappes de l’armée israélienne et suivaient «de près les derniers développements».

Le «dilemme» iranien

Selon les premières indications, les raids israéliens semblent se limiter à des cibles militaires et ne concerneraient pas les installations nucléaires ou pétrolières de l’Iran. Lors de son déplacement dans la région cette semaine, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, avait exhorté Benyamin Nétanyahou, et le ministre de la Défense, Yoav Gallant, à limiter l’ampleur de la riposte annoncée - dans l’espoir de briser le cycle infernal des représailles.

«Il semble qu’en réponse aux demandes américaines et dans une tentative de contenir l’escalade, Israël s’est concentré sur les seuls militaires - les sites des Gardiens de la révolution et de stockage et de production de missiles», analyse à chaud Danny Citrinowicz, spécialiste de l’Iran à l’Institut d’études sur la sécurité nationale de l’université de Tel-Aviv.

Pour cet ancien officier du renseignement militaire israélien, «nous sommes plus proches que jamais d’une guerre directe entre Israël et l’Iran qui pourrait déboucher sur une guerre régionale». Après cette attaque «sans précédent», le régime iranien fait face à un «dilemme» : considérer que «les comptes sont réglés» ou riposter à son tour, comme il a promis de le faire, au risque de «se rapprocher d’une guerre régionale qu’ils redoutent, en raison notamment de la forte présence militaire des Etats-Unis» dans la région. Vendredi, l’armée américaine a d’ailleurs annoncé que les F-16 du 480e escadron de chasse, basé habituellement en Allemagne et spécialisé dans la destruction des défenses antiaériennes, avaient été déployés au Moyen-Orient.

Les frappes israéliennes contre l’Iran surviennent dans un contexte de tensions régionales exacerbées depuis un an par le massacre du 7 octobre 2023 en Israël, la guerre à Gaza entre Israël et le Hamas palestinien, et son débordement au Liban voisin, où l’armée israélienne affronte le Hezbollah. Ces deux mouvements islamistes sont soutenus financièrement et militairement par le régime de Téhéran.