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Proche-Orient

Attaque israélienne au Qatar : les négociateurs du Hamas ciblés à Doha

La cible de la frappe, survenue ce mardi 9 septembre, serait une délégation du mouvement islamiste, envoyée pour discuter du plan de paix américain. Les autorités qataries ont annoncé suspendre les négociations jusqu’à nouvel ordre.

Un bâtiment endommagé à la suite d'une attaque israélienne contre des dirigeants du Hamas, selon un responsable israélien, à Doha, au Qatar, ce mardi. (Ibraheem Abu Mustafa/REUTERS)
Publié aujourd'hui à 15h23, mis à jour le 09/09/2025 à 21h28

Des explosions ont retenti à Doha ce mardi après-midi, et des panaches de fumée étaient visibles au-dessus du district de Katara, dans le nord-est de la capitale qatarie. L’armée israélienne n’a pas tardé à revendiquer l’attaque, et précisé avoir visé de «hauts responsables» du Hamas : «L’armée et le service de sécurité intérieure [le Shin Bet, ndlr] ont mené une frappe ciblée contre la haute direction de l’organisation terroriste Hamas», écrit Tsahal dans un communiqué. La frappe a fait au moins six morts selon le Hamas, et le Qatar a annoncé qu’un membre de ses forces de sécurité avait été tué, et d’autres blessés.

Le média israélien Ynet affirme que le chef de l’équipe des négociateurs du Hamas, Khalil al-Hayya, était présent à cette réunion, et évoque les noms de Khaled Mashaal, Muhammad Darwish, Razi Hamad et Izzat al-Rishq. «L’opération baptisée “Sommet du feu” a été coordonnée à l’avance avec les Américains et approuvée par le cabinet restreint, mais dissimulée au cabinet majoritaire», rappelle par ailleurs Ynet.

Le bureau du Premier ministre israélien a précisé que «l’action menée aujourd’hui contre les principaux chefs terroristes du Hamas était une opération israélienne totalement indépendante». «Israël l’a initiée, Israël l’a menée et Israël en assume l’entière responsabilité», ajoute le texte. L’ordre de frapper Doha a été décidé après l’attaque à l’arme à feu perpétrée lundi à Jérusalem-Est, qui a coûté la vie à six Israéliens. Une attaque revendiquée ce mardi par la branche armée du Hamas, les Brigades Al-Qassam.

Washington informé «à l’avance» ?

D’après les informations de Ynet, le bombardement aurait été effectué à l’aide de bombes lourdes provenant d’avions de chasse, projetés à 1 800 km d’Israël. Des drones ont également participé à l’opération sur Doha.

Dans un message publié sur X, Doron Kadosh, journaliste et correspondant militaire pour la radio israélienne Galatz, précise que l’opération était «planifiée depuis plusieurs mois», avant que la «procédure de combat» ne soit récemment «accélérée» par Tsahal. Le raid a mobilisé «15 avions de combat» et «plus de 10 munitions aériennes» ont été tirées, touchant une seule et même cible «à quelques secondes d’intervalle».

Une haute responsable de la Maison Blanche a affirmé à l’AFP que les Etats-Unis étaient au courant du projet d’attaque israélien. «Nous avons été informés à l’avance», a-t-elle fait savoir, sous couvert d’anonymat.

Pourtant, Donald Trump a pris nettement ses distances avec cette frappe, qui pourrait compliquer les projets diplomatiques du président américain dans la région. Le dirigeant républicain est «très mal à l’aise», a déclaré la porte-parole de la Maison Blanche. «Bombarder unilatéralement au Qatar, une nation souveraine et un allié proche des Etats-Unis qui travaille dur, avec courage, et qui prend des risques, pour négocier vers la paix [à Gaza], ne promeut pas les objectifs d’Israël ni de l’Amérique», a déclaré Karoline Leavitt à la presse.

Le Qatar suspend les négociations

En Israël, l’attaque a été saluée par le ministre des Finances, Bezalel Smotrich. L’homme politique d’extrême droite a qualifié la frappe menée contre Doha de «sage décision», louant une opération «parfaitement exécutée» par l’armée et les services de contre-espionnage. Il ajoute enfin que «les terroristes ne bénéficient d’aucune immunité et n’en bénéficieront jamais» où qu’ils soient dans le monde. «Ceci est un dernier avertissement aux assassins et violeurs du Hamas à Gaza et dans les hôtels de luxe à l’étranger : libérez les otages et déposez les armes, ou Gaza sera détruite et vous serez anéantis», a fait savoir de son côté le ministre de la Défense de l’Etat hébreu, Israël Katz sur X.

Peu sensible à l’ironie d’avoir frappé les personnes supposées discuter le plan américain, Benyamin Nétanyahou a affirmé ce mardi soir que la guerre à Gaza pourrait prendre fin «immédiatement» si le Hamas acceptait la trêve proposée par Donald Trump.

Pour les familles des otages israéliens retenus à Gaza, la situation est préoccupante. «Les familles des personnes enlevées suivent l’évolution de la situation à Doha avec une profonde inquiétude», précise un communiqué partagé sur les réseaux. «Une grande crainte plane désormais sur le prix que les personnes enlevées pourraient payer», ajoute le texte.

Les autoritées qataries ont vertement réagi. «L’Etat du Qatar condamne fermement l’attaque lâche menée par Israël qui a visé des immeubles résidentiels abritant plusieurs membres du bureau politique du Hamas», a écrit le porte-parole du ministère des Affaires étrangères qatari, Majed al-Ansari sur X, ajoutant que «Doha ne tolérera pas le comportement téméraire d’Israël». Selon la chaîne Al-Arabiya, le Qatar annonce «suspendre les négociations jusqu’à nouvel ordre».

Le Hamas assure que les dirigeants visés ont survécu

Côté Hamas, un responsable du mouvement à Gaza confirme auprès d’Al-Jazeera que les leaders du Hamas ont bien été ciblés, précisant qu’il y a des morts mais que les chefs ont survécu. Mais l’attaque a fait «plusieurs martyrs», dont le fils de Khalil al-Hayya et le directeur de son bureau.

«Dans un nouveau crime sioniste, la délégation des négociateurs du Hamas a été prise pour cible alors qu’elle était réunie à Doha pour discuter de la proposition du président Trump en vue d’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza», a déclaré ce responsable du Hamas.

L’Iran a également réagi, dénonçant «violation flagrante» de la part de l’Etat hébreu.

Lors d’une prise de parole, le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a également condamné la «violation flagrante» de la souveraineté du Qatar par Israël.

Dans un message publié sur X, Emmanuel Macron a dénoncé l’attaque. «Les frappes israéliennes de ce jour au Qatar sont inacceptables quel qu’en soit le motif, écrit le président français. J’exprime ma solidarité au Qatar et à son émir, Cheikh Tamim al-Thani. La guerre ne doit en aucun cas s’étendre dans la région.»

Mise à jour à 21 h 28 avec la réaction de Donald Trump.