Passé quelques talus de terre brune, vestiges d’une ligne de front récemment désertée, le village de Muslimiyeh, à la sortie nord d’Alep, apparaît comme un fantôme. Des dizaines d’échoppes aux vitres brisées, entièrement pillées et aux rideaux de fer défoncés, encadrent des rues vides où seul un vent chaud continue de s’engouffrer. Un coq dérouté chante dans le silence. Tous ceux qui vivaient autrefois ici et dans les villages alentour ont disparu, jetés sur les routes de l’exil en décembre, lorsque les milices proturques rassemblées sous la bannière de l’Armée nationale syrienne (ANS) ont lancé une offensive contre les positions des forces prokurdes, les Forces démocratiques syriennes (FDS). En quelques jours, près de 100 000 Kurdes syriens ont été déplacés de force dans la partie est du pays, sous administration des FDS.
De Muslimiyeh, il faut voyager près de 150 kilomètres et traverser la ligne de démarcation entre territoires ennemis pour atteindre le camp de Tabqa, près du stade de la ville, qui s’est monté à la hâte dans les nuits gelées de décembre. Cinq mois plus tard, les déplacés kurdes ont recréé ici un semblant de vie. Les abris sont organisés en «communes», un marché permet d’acheter des légumes à prix d’or, des hommes armés des FDS montent la garde sous l’arche d’entrée.
Survenue en parallèle de la chute du régime Assad, l’offensive de décembre a marqué une nouvelle phase du conflit opposant l’ANS aux FDS, toujours irrésolu malgré des accords de cessez-le-feu con