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Reportage

«J’aurais été condamné à mort» : à Alep en Syrie, l’homme qui sauvait les livres de la censure des Assad

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Pendant plus de cinquante ans, l’avocat et historien Alaa al-Sayed a caché des ouvrages interdits par la dictature syrienne. Avec la chute du régime, sa bibliothèque, forte de 35 000 ouvrages, s’affiche désormais au grand jour.
Alaa al-Sayed, 52 ans, à Alep. (Emin Ozmen/Magnum Photos pour Libération)
publié le 22 décembre 2024 à 9h13

L’exemplaire de la Démocratie syrienne et l’indépendance du Liban, de l’intellectuel libanais Samir Kassir, est posé sur une table basse. Comme si c’était sa place naturelle, comme si c’était normal. C’est en réalité une révolution : il y a moins de deux semaines, la Démocratie syrienne, livre interdit par le régime de Bachar al-Assad, était caché derrière un rayonnage de l’une des dizaines de bibliothèques qui envahissent l’appartement de l’historien et avocat Alaa al-Sayed. Si les moukhabarat, les agents des services de renseignement, coutumiers des fouilles à la recherche d’ouvrages jugés subversifs, l’avaient trouvé, Alaa al-Sayed, 52 ans, aurait été arrêté et enfermé. «J’aurais été condamné à mort, ou torturé à mort, ce qui revient au même», dit-il en allumant une énième Gitane.

L’historien a accumulé plus de 35 000 ouvrages dans son appartement du quartier cossu de Chahba, dans l’ouest d’Alep. Parmi eux, il estime qu’environ 2 000 à 3 000 d’entre eux étaient interdits par la dictature des Assad, père puis fils. «Il y a eu plusieurs phases d’interdiction. Après le soulèvement des Frères musulmans et le massacre à Hama, en 1982, les moukhabarat recherchaient surtout ceux qui avaient trait à eux et au communisme. Après le printemps de Damas, en 2004, ils se focalis