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Libération
Proche-orient

En Jordanie, lutte de clans et arrestations dans la famille royale

Dans une vidéo transmise à la BBC, le prince Hamza, ex-prince héritier, dit être accusé par l’état-major d’avoir pris part à complot pour renverser Abdallah II. Deux autres proches de la famille royale ont été arrêtés samedi pour des «raisons de sécurité» selon l’armée.
Le Prince Hamzah bin al-Hussein de Jordanie, le 19 avril 2011. (KHALIL MAZRAAWI/AFP)
par Clotilde Bigot, à Beyrouth
publié le 4 avril 2021 à 11h49
(mis à jour le 4 avril 2021 à 13h59)

Mini-coup de tonnerre dans la discrète Jordanie. Le demi-frère et conseiller du Roi, Hamzah bin-Hussein a été assigné à résidence avec sa femme Basmah et leurs cinq enfants samedi. Une vaste opération menée par les autorités jordaniennes qui a également conduit à l’arrestation plus d’une vingtaine de personnes dans l’entourage du prince afin de neutraliser une «menace à la stabilité de l’Etat». C’est le président des chefs d’état-major, le général Youssef Huneiti, qui aurait demandé au prince et à sa famille de rester à leur domicile d’Al Salaam, dans la banlieue d’Amman. Les autorités ont promis de nouvelles explications ce dimanche.


D’après le Washington Post, le Prince a été arrêté, mais l’information a été démentie par le chef d’état-major dans un communiqué publié par l’agence de presse officielle du pays, Petra: «Il a été demandé aux autorités jordaniennes de mettre fin aux mouvements et aux activités qui visaient la sécurité et la stabilité de la Jordanie», le tout dans «le cadre d’enquêtes conjointes approfondies menées par les services de sécurité». Parmi la vingtaine d’arrestations se trouvent Bassem Awdallah, chef de la Cour royale de 2007 à 2008 et ancien ministre des Finances, une figure internationale passée par Londres, les États-Unis et Dubaï. Les autorités jordaniennes ont aussi arrêté Cherif Hassan ben Zaid, membre de la famille royale.

Une vidéo d’explication

Hamzah bin Hussein a enregistré une vidéo publiée par la BBC, tournée sur son portable aux alentours de 23 heures samedi soir, et envoyée par son avocat, sa dernière forme de communication possible, explique-t-il. Calme, Hamzah bin Hussein critique ouvertement dans cet enregistrement de cinq minutes le royaume hachémite. Le prince indique qu’il n’est «pas la personne responsable de l’effondrement du gouvernement, de l’incompétence et de la corruption qui ont prévalu au cours des 15 à 20 dernières années et qui se sont aggravés».

Il ajoute que la Jordanie est arrivée à la situation où «même critiquer un petit aspect d’une politique gouvernementale conduit à une arrestation et à des abus par les services de sécurité. Nous avons atteint le point où personne ne peut parler ou exprimer une opinion sur quoi que ce soit sans être arrêté ou intimidé». Il dit «être resté connecté au peuple dans l’espoir qu’il sache que certains membres de la famille se soucient encore de lui».

Fils préféré

Le Prince Hamzah était le fils préféré de son père, le feu roi Hussein. Agé de 41 ans, il est né d’un quatrième et ultime mariage de Hussein avec la reine Noor, d’origine américaine. Dimanche, celle-ci a dénoncé une «calomnie» et affirmé «prier pour que la vérité et la justice l’emportent pour toutes les victimes innocentes». Hamzah était pressenti pour prendre le trône à la mort de son père, en 1999, mais sa jeunesse (19 ans à l’époque) et son inexpérience poussèrent son demi-frère, Abdullah II à prendre le pouvoir. En 2004, Abdullah déchut Hamzah de son titre de prince héritier.

Il est une figure appréciée dans le royaume pour son humilité, sa piété, et sa ressemblance à son père, notamment par sa proximité avec le peuple jordanien. Il n’y avait pas de rivalité apparente entre Hamzah et son demi-frère, mais le prince avait critiqué auparavant la «mauvaise gestion» du gouvernement en 2018. Il s’était récemment rapproché de figures d’oppositions ainsi que de chefs de tribus, très influents en Jordanie, qui avaient appelé à plusieurs reprises à manifester contre la corruption de la caste au pouvoir. Des manifestations réprimées par les forces de sécurité avec des dizaines d’arrestations.

Royaume fragilisé par le Covid

La crise du coronavirus a gravement affecté le royaume, qui connaît actuellement une seconde vague avec une centaine de décès par jour. Au mois de mars 2020, les autorités avaient décrété l’un des confinements les plus stricts au monde, qui a plongé une partie de la population dans la pauvreté. Ces dernières semaines, l’augmentation du nombre de cas a été à l’origine de plusieurs manifestations à travers le pays contre la gestion de la pandémie par le gouvernement. La Jordanie est frappée par un chômage des jeunes, passé de 28% en 2014 à 34% en 2019 et les Jordaniens sont en majorité mécontents de la morosité économique du pays, globalement basée sur le tourisme.

De nombreux pays ont affirmé leur soutien au Roi Abdullah II, notamment les États-Unis, qui ont exprimé leur soutien à un «partenaire clé», indiquant que le royaume bénéficiait de leur «soutien total». Le Maroc a également souligné son «soutien total» au roi, tout comme les pays du Golfe, et le Liban par la voix de son Premier ministre sur Twitter. «La sécurité et la sûreté de la Jordanie sont une base fondamentale pour celles du monde arabe», rappelant que le Liban apportait «toute sa solidarité aux autorités jordaniennes».