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Libération
Répression

Jusqu’à sept ans de prison pour deux journalistes iraniennes ayant révélé la mort de Mahsa Amini

La justice iranienne a condamné Elaheh Mohammadi et Niloofar Hamedi, qui avaient contribué à rendre publique la mort de la jeune kurde, pour «collaboration avec les Etats-Unis», «complot contre la sécurité du pays» et «propagande contre la République islamique».
Un portrait de Mahsa Amini dans une manifestation à Istanbul, le 20 septembre 2022. (Ozan Kose/AFP)
publié le 22 octobre 2023 à 12h47

La justice iranienne a condamné à des peines de sept et six ans de prison deux journalistes ayant contribué à rendre publique la mort en détention de Mahsa Amini qui avait déclenché un vaste mouvement de protestation en Iran. Elaheh Mohammadi, 36 ans, et Niloofar Hamedi, 31 ans, sont incarcérées dans la prison d’Evin à Téhéran depuis leur arrestation fin septembre 2022, quelques jours après le décès de la jeune Kurde iranienne de 22 ans. La première, reporter au quotidien Ham Mihan, a été condamnée à jusqu’à six ans pour «collaboration avec les Etats-Unis», «complot contre la sécurité du pays» et «propagande contre la République islamique», a annoncé ce dimanche 22 octobre l’agence de la justice Mizan Online. Jugée séparément, la photojournaliste Niloofar Hamedi, 31 ans, du quotidien réformateur Shargh, a été condamnée pour les mêmes motifs à jusqu’à sept ans de prison. Alors que le verdict peut faire objet d’un appel dans un délai de vingt jours, les avocats des deux journalistes n’avaient pas réagi dimanche en milieu de journée.

Mahsa Amini avait été arrêtée à Téhéran par la police des mœurs qui lui reprochait d’avoir enfreint le code vestimentaire de la République islamique, imposant notamment aux femmes le port du voile en public. La jeune Kurde était morte au cours de sa détention. Plusieurs centaines de personnes, y compris des membres de forces de sécurité, ont été tuées durant le mouvement de protestation de la fin 2022, qui a suivi la révélation de la mort de Mahsa Amini. Des milliers d’autres ont été arrêtées pour avoir participé aux manifestations décrites par les autorités comme des «émeutes» orchestrées par les pays occidentaux. Sept hommes ont été pendus en lien avec les manifestations.

Plus de 90 journalistes inquiétés depuis les manifestations

Niloofar Hamedi avait été arrêtée moins d’une semaine après la mort de Mahsa Amini, alors qu’elle s’était rendue à l’hôpital où la jeune femme était hospitalisée et avait posté sur les réseaux sociaux une photo de la famille en deuil. Elaheh Mohammadi s’était elle rendue à Saqqez, la ville natale de la jeune femme, dans l’ouest du pays, pour couvrir ses funérailles. Au premier jour de son procès, Niloofar Hamedi avait déclaré au tribunal qu’elle avait «fait son travail de journaliste dans le cadre de la loi et n’avait commis aucun acte contre la sécurité de l’Iran», selon des propos cités par son époux, Mohammad Hossein Ajorlou, sur les réseaux sociaux. Les médias iraniens ont rapporté en août que plus de 90 journalistes avaient été inquiétés dans différentes villes d’Iran par les autorités depuis les manifestations.

Les familles et les avocats de Niloofar Hamedi et Elaheh Mohammadi avaient critiqué la justice pour ne pas pouvoir assister aux procès. Des ONG internationales de défense des journalistes, comme Reporters sans frontières (RSF), se sont également mobilisées pour réclamer leur libération. En août, la justice avait expliqué que leurs procès n’étaient pas liés principalement à l’affaire Amini mais à leur «coopération» avec le «gouvernement hostile des Etats-Unis», via l’ONG United for Iran basée en Californie. L’avocat des deux journalistes, Me Mohammad Ali Kamfirouzi, a été détenu début janvier pendant plus de trois semaines avant d’être libéré sous caution. Par ailleurs, l’avocat de la famille de Mahsa Amini, Saleh Nikbakht, a été condamné le 17 octobre à un an de prison pour «propagande» contre l’Etat après «s’être entretenu avec des médias étrangers et locaux sur l’affaire», selon sa défense.