C’est une première depuis le début du conflit avec Israël. La ville de Gaza, ainsi que des parties du sud et du centre de l’enclave palestienne ont été déclarés en état de famine, ce vendredi 22 août, par le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC). Ce système, reconnu mondialement pour classer la gravité de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition, est soutenu par les Nations unies et avait déjà averti que la famine était imminente dans certaines régions gazouies. Elle n’avait jusqu’à présent pas fait de déclaration officielle, invoquant un manque de données.
La famine concerne le «gouvernorat de Gaza», qui comprend la ville de Gaza, trois villes environnantes et plusieurs camps de réfugiés. «Après 22 mois de conflit incessant, plus d’un demi-million de personnes dans la bande de Gaza sont confrontées à des conditions catastrophiques, caractérisées par la famine, la misère et la mort», selon un briefing de l’IPC consulté par The Telegraph. Il ajoute que, selon les projections actuelles, la famine devrait s’étendre aux gouvernorats de Deir Al-Balah et Khan Younès d’ici la fin du mois de septembre. L’institution ne se prononce pas sur le nord de l’enclave, faute de données.
Le gouvernorat de Gaza représente environ 20 % de la bande de Gaza en superficie. Si l’on ajoute ceux de Khan Younès (29,5 %) et Deir Al-Balah (16 %), on arrive à 65,5 %, soit environ les deux tiers de la superficie totale de la bande de Gaza, un territoire pauvre de 365 km2 où s’entassent plus de deux millions de Palestiniens.
Décryptage
Pour déclarer une famine, trois critères stricts doivent être remplis, selon l’IPC : au moins 20 % des ménages sont confrontés à une pénurie alimentaire extrême, au moins 30 % des enfants souffrent de malnutrition aiguë et deux personnes sur 10 000 meurent chaque jour de «famine pure et simple».
Plus de la moitié de la population gazaouie (environ 1,07 million de personnes) est également confrontée à des niveaux «d’urgence» d’insécurité alimentaire, le deuxième niveau le plus élevé sur l’échelle (phase 4), ajoute le rapport. L’IPC, qui compte parmi ses 21 organisations partenaires Save the Children, Oxfam et l’Unicef, prévoit que la sécurité alimentaire à Gaza continuera de se détériorer entre la mi-août et la fin septembre.
«Au cours de cette période, près d’un tiers de la population, soit près de 641 000 personnes, devrait être confronté à des conditions catastrophiques, tandis que le nombre de personnes en situation d’urgence devrait passer à 1,14 million», est-il écrit. Il s’agit de «la première fois qu’une famine est officiellement confirmée dans la région du Moyen-Orient», précise le communiqué, bien que la région ait déjà connu des crises alimentaires par le passé.
Depuis sa création en 2004, la phase 5 de l’échelle de l’IPC, qui classe un territoire en état de catastrophe et de famine, n’a été utilisée qu’à quatre reprises : dans certaines parties de la Somalie, en 2011, au Soudan du Sud, en 2017, ou encore plus récemment au Soudan, l’année dernière.
«Crime de guerre»
«Alors qu’il semble ne plus y avoir de mots pour décrire l’enfer que vivent les habitants de Gaza, un nouveau terme vient s’ajouter : «famine»», a réagi sur X le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. «En tant que puissance occupante, Israël a des obligations incontestables en vertu du droit international, notamment celle d’assurer l’approvisionnement alimentaire et médical de la population», a-t-il ajouté. La famine à Gaza «aurait pu être évitée» sans «l’obstruction systématique d’Israël», a accusé à Genève le responsable de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, Tom Fletcher.
Le chef des droits humains des Nations unies, Volker Türk a rappelé vendredi qu’«affamer des gens à des fins militaires est un crime de guerre». «Nous ne pouvons pas laisser cette situation perdurer en toute impunité. Il n’y a plus d’excuses», a lancé pour sa part Antonio Guterres. «Nous avons besoin d’un cessez-le-feu immédiat, de la libération immédiate de tous les otages et d’un accès humanitaire total et sans entrave», a-t-il lancé.
Appel à l'aide
L’ONU s’est aussitôt attirée les foudres d’Israël, qui a dénoncé une annonce et un rapport biaisés. «Il n’y a pas de famine à Gaza», a affirmé le ministère israélien des Affaires étrangères. Accusant l’IPC de s’être «détourné de ses propres règles et [d’avoir] ignoré ses propres critères», le communiqué ajoute que «l’ensemble du [rapport] est fondé sur les mensonges du Hamas blanchis par des organisations ayant des intérêts particuliers».
Cette annonce intervient en même temps que la nouvelle offensive lancée par l’armée israélienne, qui s’apprête à prendre le contrôle de la ville, la plus grande de l’enclave palestinienne et peuplée d’environ 500 000 personnes.
Ce vendredi matin, le ministre israélien de la Défense a même menacé de détruire la ville de Gaza si le Hamas n’acceptait pas la paix aux conditions dictées par l’Etat hébreu.