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Libération
Gaz et pétrole

La guerre entre l’Iran et Israël ressuscite la menace d’une fermeture du détroit d’Ormuz

Si elle n’a été pas été évoquée directement par le pouvoir iranien, la perspective d’un blocage de cet axe stratégique effraie les marchés mondiaux. C’est pourtant l’Iran qui aurait le plus à y perdre.
Le détroit d'Ormuz, entre le golfe persique à l’ouest et le golfe d’Oman à l’est, est décrit comme «le plus important point de passage au monde pour le transit du pétrole». (Germán Vogel/Getty Images)
publié le 19 juin 2025 à 10h54

Où se trouve le détroit d’Ormuz ?

Il s’agit de la jonction entre le golfe persique à l’ouest et le golfe d’Oman à l’est, lequel se jette dans l’océan Indien. Cette embouchure d’environ 55 km de large circule entre les côtes iraniennes au nord, et celles d’Oman et des Emirats arabes unis au sud. Il est sous l’autorité conjointe de l’Iran et du sultanat d’Oman. Il relie les façades maritimes de plusieurs pays exportateurs de pétrole, (le Koweït, le Qatar, l’Arabie Saoudite, l’Irak et l’Iran), aux océans du monde entier.

L’Agence américaine d’information sur l’énergie le décrit comme «le plus important point de passage au monde pour le transit du pétrole». Et pour cause, 21 % de la consommation mondiale de pétrole et un quart des exportations mondiales de gaz naturel liquéfié transitent par le détroit d’Ormuz.

Quelles conséquences s’il était bloqué ?

Les premières attaques israéliennes contre Téhéran avaient fait craindre une flambée du prix du pétrole. Vendredi 13 juin, les cours mondiaux du pétrole avaient augmenté d’environ 7 %, fixant le prix du baril de pétrole entre 70 et 75 dollars. Si l’Iran est le dixième producteur mondial de pétrole brut, sa production, sous sanctions américaines, est presque exclusivement destinée à la Chine et n’a donc que peu d’impact sur les marchés mondiaux.

Ce qui inquiète beaucoup plus les observateurs, ce n’est pas une attaque contre la production pétrolière iranienne mais l’hypothèse d’une fermeture du détroit. Ce serait même «un cauchemar absolu» pour le marché pétrolier, selon Arne Lohmann Rasmussen, responsable de la recherche chez Global Risk Management. Un blocage du détroit bloquerait les exportations de plusieurs pays producteurs de pétrole (Irak, Arabie Saoudite, Emirats, Koweït…) qui dépendent, en grande partie, de cet axe maritime pour exporter leur or noir. Or les productions additionnées des trois principaux pays pétroliers de la région (Arabie Saoudite, Irak, et Emirats arabes unis), représentaient en 2023 21 % de la production mondiale de barils de pétrole. Empêcher l’acheminement d’un cinquième du pétrole mondial aurait très certainement des conséquences majeures.

C’est pour cette raison que ce point de passage est scrupuleusement surveillé par les grandes puissances mondiales. Il y a fort à parier que toute tentative de le bloquer entraînerait une réaction internationale. Lors de la guerre Iran-Irak entre 1980 et 1988, les deux belligérants ont attaqué à plusieurs reprises des navires pétroliers provenant de pays alliés à leur adversaire. Cette «guerre des tankers», menaçait gravement le trafic maritime dans la zone alors qu’à ce moment-là 80 % du pétrole brut y transitait. Les Etats-Unis, au départ soucieux de ne pas intervenir directement dans le conflit, voyaient leurs intérêts économiques menacés. La marine américaine était intervenue militairement, détruisant plusieurs navires iraniens et instaurant, avec le renfort de navires de guerre français, un corridor sécurisé pour le fret maritime.

L’Iran a-t-il intérêt à le bloquer ?

Pour le directeur de recherche à l’Iris Francis Perrin, interrogé par Challenges, bloquer le détroit «serait du suicide» pour l’Iran. D’abord, selon lui, une telle action «handicaperait la Chine qui ne pourrait plus importer du pétrole venant d’Iran et des pays du Golfe. Or Pékin est avec Moscou l’un des rares soutiens de l’Iran». Les Iraniens, qui exportent près de 90 % de leur production de pétrole vers la Chine, sont donc très dépendants du commerce maritime d’hydrocarbure.

Enfin, comme dans les années 80, bloquer le détroit «entraînerait l’Amérique directement dans le conflit», selon Meghan L. O’Sullivan, ancienne conseillère à la sécurité nationale américaine interrogée par le New York Times. Washington, voyant ses intérêts économiques menacés, considérerait selon elle cette action comme un casus belli. Déjà malmené dans son bras de fer avec Israël, Téhéran aurait tout sauf intérêt à une nouvelle intervention américaine dans le golfe persique.