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Interview

La sœur de Benjamin Brière, otage en Iran : «Mon frère est victime de torture psychologique»

Détenu en Iran depuis mai 2020 et condamné à huit ans de prison pour espionnage, le Français Benjamin Brière a été acquitté en appel le 15 février, mais reste emprisonné. Au grand désespoir de sa sœur, Blandine.
Benjamin Brière, détenu en Iran depuis 2020. (Photo non datée diffusée via Twitter par son avocat). (AFP)
publié le 3 mars 2023 à 16h04

Le revirement a pris tout le monde de court. Acquitté en appel par la justice iranienne le 15 février, Benjamin Brière s’apprêtait à quitter la prison de Vakilabad à Mashhad, dans le nord-est du pays, lorsqu’on lui a interdit, in extremis, de sortir de l’établissement. Ce Français aujourd’hui âgé de 38 ans voyageait en Iran quand il a été arrêté, en mai 2020. Condamné à huit ans de prison pour «espionnage», il fait partie des six «otages d’Etat» français détenus par la République islamique. Sa petite sœur, Blandine, confie à Libération son «incompréhension totale» et appelle à sa libération.

Malgré son acquittement, votre frère est toujours emprisonné en Iran. Que s’est-il passé ?

Benjamin a été rejugé en appel le 15 février. Il est passé devant un juge, qui s’est excusé et a levé toutes les charges retenues contre lui. Sur une note écrite, il était indiqué que mon frère était libre à partir de ce jour, qu’il pouvait récupérer ses biens personnels. Ses avocats l’attendaient même dehors. Mon frère est donc retourné à la prison pour récupérer ses affaires et partir. Mais on lui a demandé de faire demi-tour, et pas du côté de la sortie. Nous n’avons aucune explication sur les raisons de cette volte-face illégale. Les avocats de Benjamin n’ont jamais vu ça.

Que reproche la justice iranienne à votre frère ?

Il est accusé d’espionnage alors qu’il ne faisait que visiter un parc naturel en Iran. Benjamin est un voyageur, il faisait le tour du monde en van lorsqu’il a été arrêté en Iran, en mai 2020. Cela faisait déjà cinq mois qu’il sillonnait le pays. Auparavant, il avait visité la Turquie, le Kosovo, la Macédoine, le Guatemala, la Norvège… Il suffit de faire un tour sur son compte Instagram pour comprendre qu’il n’était qu’un simple touriste.

Votre frère est incarcéré depuis près de trois ans au sein de la prison Vakilabad de Mashhad. Comment va-t-il ?

Mon frère peut nous contacter toutes les deux ou trois semaines, sous contrôle. Il doit raccrocher au bout de 30 minutes. Son acquittement a suscité chez lui beaucoup d’espoirs, qui se sont malheureusement vite évaporés. Il a vécu un énorme ascenseur émotionnel, difficile à gérer. Il est très affaibli et poursuit sa grève de la faim [commencée le 28 janvier, ndlr]. Il a déjà perdu 10 kilos. Mais il reste déterminé à prouver qu’il est victime d’une énorme injustice. Benjamin n’est qu’un touriste et n’est évidemment pas coupable d’espionnage.

Ses conditions de détention se sont-elles dégradées depuis le début de la révolte iranienne, le 16 septembre ?

Il voit bien que la sécurité a été renforcée ces derniers mois. Il n’est pas autorisé à tout me dire mais je sais qu’il vit dans un dortoir insalubre et surpeuplé. Il est arrivé que 35 détenus soient entassés pour seulement 15 lits. Il fait très froid, la lumière est allumée 24 heures sur 24. Il a le droit aux visites de ses avocats et à quelques sorties par jour, dans une cour au milieu de quatre murs et clôturée par des barbelés. Il voit aussi certains de ses codétenus, condamnés à mort, partir se faire exécuter. Mon frère est victime d’une véritable torture psychologique.

Quel rôle jouent les autorités françaises pour essayer d’obtenir la libération de votre frère ?

La France se mobilise énormément pour parvenir à la libération de Benjamin, comme celle de tous les autres otages détenus en Iran. Nous sommes tous des victimes de ce retournement de situation.

Et vous, quel est votre d’état d’esprit ?

Nous sommes tous dans une incompréhension totale. Cette note du juge, sur laquelle était écrit noir sur blanc que Benjamin était libéré, était le premier élément concret que nous avons eu depuis son arrestation. On y croyait vraiment et on tombe de haut. On nous parle d’un nouveau jugement en juin mais mon frère a déjà été acquitté, ça ne rime à rien. On ne s’accroche donc plus à rien, car nous ne comprenons rien.