Informer depuis Gaza est extrêmement compliqué. Aucun journaliste ne peut y entrer, à l’exception de brèves incursions au sein d’unités de l’armée israélienne. Seuls ceux qui étaient sur place avant le 7 Octobre continuent d’informer sur la situation. Parmi eux, des reporters de l’Agence France-Presse, dont nous publions ce jour le reportage.
«La vie a cessé à Rafah», explique un Palestinien de cette ville du sud de la bande de Gaza, où les troupes israéliennes mènent depuis mardi des incursions et dont les habitants fuient vers Deir al-Balah, localité côtière désormais hérissée de milliers de tentes. Plus de 1,4 million de personnes s’entassent à Rafah, adossée à la frontière égyptienne, dont plus d’un million de déplacés poussés là par sept mois de combats et bombardement qui ont réduit à l’état de ruines le nord puis le centre de la bande de Gaza.
Depuis lundi, l’armée israélienne bombarde massivement et mène des incursions dans les quartiers est de la ville, qu’elle a enjoint ses habitants à évacuer vers le centre de la bande de Gaza, dans le cadre de plans visant à anéantir le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007 et qui a mené le 7 octobre dans le sud d’Israël une attaque sanglante qui a déclenché la guerre.
Billet
Peu après minuit, dans la nuit de mercredi à jeudi, une équipe de l’AFP a fait état de nombreux tirs d’artillerie à Rafah. L’armée israélienne a indiqué avoir poursuivi mercredi ses «opérations ciblées» du côté gazaoui du point de passage, dans l’est de Rafah, dont elle a pris le contrôle, sur la base d’informations faisant état de «terroristes opérant dans le secteur». «Il y a des tirs d’artillerie israéliens ininterrompus et aveugles sur l’est et le centre de Rafah, qui ont fait de nombreux morts et blessés et visent les étages supérieurs d’immeubles d’habitation», a déclaré à l’AFP Ahmed Radwan, un responsable de la Défense civile à Gaza.
«Nous ne savons pas où aller»
«La vie a totalement cessé dans le centre-ville de Rafah» où «les rues sont vides, les marchés à l’arrêt», décrit mercredi à l’AFP Marwan al-Masri, Palestinien de 35 ans qui a trouvé refuge à Rafah après avoir été chassé du nord de la bande de Gaza. «Nous craignons tous une avancée» des troupes israéliennes, «comme dans les quartiers est» de Rafah, «désormais vides de leurs habitants», dit-il, racontant que lui et ses proches sont désormais «tous anxieux et effrayés», par les bombardements incessants dont ils ressentent les secousses se rapprocher.
Ibtihal al-Arouqi, qui a fui le camp d’al-Bureij dans le centre de Gaza pour se réfugier à Rafah, se retrouve une fois de plus sans abri, après avoir quitté l’est de la ville. «Nous sommes sortis des décombres de notre maison à Al-Bureij, et maintenant, à cause des bombardements intenses à Rafah, mes enfants et moi sommes à la rue», déplore-t-elle. «Nous ne savons pas où aller, il n’y a pas d’endroit sûr», dit à l’AFP cette femme de 39 ans qui a accouché par césarienne il y a deux semaines.
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«La situation à Rafah est chaotique», estime Mohammed Abu Mughaiseeb, coordinateur médical de Médecins sans frontières à Rafah, lui-même déplacé de la ville de Gaza dès le début de la guerre. Les gens quittent les quartiers en «transportant leurs affaires, des matelas, des couvertures, des ustensiles de cuisine dans des camions», dit-il, mais «il n’y a plus de place dans l’ouest de Rafah».
L’hôpital al-Najjar de Rafah est «fermé, évacué par l’équipe médicale qui veut éviter ce qui est arrivé à al-Chifa et Nasser», les deux principaux de la bande de Gaza, ciblés et réduits à l’état de ruines par des opérations de l’armée israélienne qui affirme que le Hamas les utilisait à des fins militaires.
Longue file de déplacés
La plupart de ceux qui quittent Rafah fuient vers le nord, en direction des villes de Khan Younès et de Deir Al-Balah. Originaire de Gaza-ville, dans le nord, Ahmed Fadel, 22 ans, a d’abord été déplacé vers le camp de Nuseirat, dans le centre du territoire palestinien, d’où il est à nouveau parti lorsque les troupes israéliennes sont entrées dans celui voisin d’al-Bureij. Ensuite, explique-t-il à l’AFP, «nous sommes partis pour Rafah, mais ils ont pilonné et menacé la ville, alors nous sommes venus à Deir al-Balah qui est déjà surpeuplée».
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Des journalistes de l’AFP ont vu de longues files de Palestiniens déplacés fuyant Rafah à bord de voitures, de camions, de charrettes tirées par des ânes, de tuk-tuks ou à pied, transportant ce qu’ils peuvent.
Des images de l’AFP montrent des milliers de tentes et d’abris entassés mercredi le long de la zone côtière de Deir al-Balah, dont les rues sont bondées de personnes déchargeant des biens ou vendant des marchandises. Deir al-Balah est «une très petite ville qui est maintenant extrêmement surpeuplée», affirme Abdelmajid al-Kurd, un commerçant local, «il n’y a pas de place ou d’infrastructures pour accueillir ces gens.»