Chaque jour, Talaibek Chokogulov répète le même mouvement. Faire tourner la manivelle, amener le courantomètre au bon endroit, relever les mesures, les noter puis ranger les instruments. «Je prends le pouls de la rivière», s’amuse-t-il. Jour après jour, depuis 1973, cet hydrologue intarissable a appris à connaître les mouvements d’humeur de la rivière Naryn. «Une fois, l’eau est montée jusqu’à la cabane des instruments et a déposé tout ce sable», raconte-t-il en balayant une vaste étendue sablonneuse située à quelques mètres au-dessus des eaux. Aujourd’hui, l’eau manque et Talaibek Chokogulov est aux premières loges de la crise énergétique qui frappe ce pays montagneux d’Asie centrale.
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A cette saison, le lac artificiel de Toktogoul, dans lequel se jette la rivière Naryn, devrait être à son plus haut niveau. Mais au 14 décembre, il ne contenait que 10,6 milliards de m³ d’eau. Sous la barre des 5,5 milliards, la centrale hydroélectrique, qui fournit 40 % des besoins du pays, s’arrête. Or, selon les autorités, il faut turbiner chaque hiver 6 à 7 milliards de m³ d’eau pour passer la saison de chauffage. Mathématiquement, la marge de manœuvre est très étroite. Aziz Aaliev, vice-président du Conseil des ministres, a donc sonné l’alarme début octobre : «Il y a un risque d’arrêt [de la centrale de Toktogoul, ndlr] en avril.»
Sept heures de coupure
Dans un pays qui tire 90 % de son électricité de ses barrages, de tels niveaux sont alarmants. Les officiels attribuent cette situatio