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Libération
Sanctions

Les Etats-Unis et l’Union européenne en croisade précautionneuse contre les colons israéliens violents

Conflit israélo-palestiniendossier
Washington et Bruxelles ont annoncé ce vendredi 19 avril des sanctions financières contre des colons extrémistes, dont certains proches du pouvoir israélien. Des mesures plus fermes que ce qui se faisait jusqu’alors, mais pas assez pour empêcher la colonisation en Cisjordanie de s’étendre.
Elisha Yered, lors de son arrestation le 8 août 2023. Soupçonné d'avoir tué un Palestinien, il est visé par les sanctions de l'Union européenne. (Ohad Zwigenberg/AP)
par Nicolas Rouger, correspondant à Tel-Aviv
publié le 19 avril 2024 à 20h05

Le Conseil de l’Union européenne et le département d’Etat américain ont annoncé ce vendredi 19 avril avoir séparément émis des sanctions contre des colons israéliens violents en Cisjordanie. C’est la troisième tournée pour Washington, et la première pour Bruxelles, inspirée en partie par une augmentation des actes de violence : 19 Palestiniens ont été tués par des colons israéliens depuis le 7 Octobre.

La démarche européenne fait suite à des sanctions passées individuellement par plusieurs Etats membres, dont la France. Paris avait ainsi interdit de territoire 18 individus en février, une technique au goût de trop peu, car sans effet de dissuasion, l’identité des sanctionnés étant confidentielle. Une façon de chercher la rapidité plutôt que la perfection, se défend l’équipe hexagonale, tout en poussant pour des sanctions au niveau des Vingt-Sept. C’est maintenant chose faite. Au-delà de l’interdiction de se rendre dans l’Union européenne, les avoirs des personnes concernées pourront désormais être gelés et leurs transactions financières interdites.

Règne de terreur

Les noms des individus visés par les Européens, Neria Ben Pazi et Yinon Levi, sont connus de tous en Cisjordanie. Ces cow-boys messianiques ont instauré autour de leurs exploitations agricoles dans la vallée du Jourdain et dans les collines au sud de Hébron un règne de terreur qui a poussé plusieurs dizaines de familles palestiniennes au déplacement forcé. Deux organisations sont aussi dans la liste, dont Noar HaGvaot, les «Jeunes des collines», et deux de ses organisateurs Meir Ettinger et Elisha Yered. Très actifs sur les réseaux sociaux, les deux ont été inquiétés dans des affaires de meurtres de Palestiniens.

Les sanctions américaines, elles aussi économiques, tombent maintenant tous les mois. Elles se focalisaient d’abord sur des individus, puis sur des avant-postes entiers. Cette fois, ce sont des entités qui sont visées, dont deux parce qu’elles aidaient des individus sanctionnés – une façon de montrer que Washington ne plaisante pas, ce qui satisfera les militants anticolonisation, israéliens comme palestiniens. Une autre dimension particulière est à retenir, l’inclusion dans les deux listes de Bentzi Gopstein, et son organisation Lehava.

Rempart contre l’assimilation

Né en 1969, éduqué dans la religion ultraorthodoxe, Gosptein était un disciple assidu du rabbin Meir Kahane, idole du mouvement suprémaciste qui porte désormais son nom. Arrêté à plusieurs reprises pour des actes de violence, il a été impliqué à tous les échelons du travail colonisateur en Cisjordanie, accomplissant de simples actes d’intimidation ou se hissant au rang de conseiller politique de l’actuel ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir.

Lehava se pose d’abord comme un rempart contre l’assimilation, en particulier contre les mariages mixtes. Mais l’association est aussi engagée dans la promotion du «travail hébreu», l’idée que les juifs ne devraient pas employer d’Arabes. Depuis quelques années, elle recrute en particulier auprès des jeunes de la mouvance sioniste religieuse radicale, mais aussi auprès de certains ultraorthodoxes chez qui les sermons de rabbins nonagénaires n’inspirent plus beaucoup d’enthousiasme. Le choix de Bentzi Gopstein est certainement motivé par sa proximité avec Itamar Ben-Gvir. C’est un pas de plus de la part des chancelleries occidentales vers la reconnaissance de la responsabilité de l’architecture étatique israélienne pour ces actes de violence. Mais pas encore une poursuite claire de son rôle dans la colonisation.