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Pression

En Israël, mobilisation à l’appel des familles d’otages pour stopper la guerre de Nétanyahou à Gaza

Un appel à la grève générale et à la manifestation a été lancé pour ce dimanche 17 août, afin d’exiger du Premier ministre qu’il renonce à son plan d’offensive à Gaza et privilégie un accord pour la libération des captifs aux mains du Hamas.
Rassemblement pour la fin de la guerre à Gaza, à l'initiative des familles d'otages, à Jérusalem, le 17 août 2025. (Menahem Kahana/AFP)
publié le 17 août 2025 à 6h09

Combien de citoyens dans les rues d’Israël faudra-t-il pour faire renoncer Benyamin Nétanyahou à sa guerre ? Les familles d’otages retenus par le Hamas à Gaza, ainsi que celles de soldats israéliens tombés depuis le 7-Octobre, ont appelé à une journée de grève générale, ce dimanche 17 août. Elles s’opposent catégoriquement au plan d’extension des opérations militaires de Tsahal dans l’enclave palestinienne, voulu par le Premier ministre et validé par son cabinet de guerre le 7 août.

«Etendre la guerre au cœur de Gaza n’est pas une stratégie, c’est un pari cruel sur la vie de nos soldats et celle des otages, a dénoncé Eyal Eshel, père d’une soldate tuée le 7 octobre 2023. Au lieu de sacrifier davantage de vies, nous exigeons le retour des otages dans le cadre d’un accord, la création d’une commission d’enquête nationale sur la débâcle du 7-Octobre et le début de la reconstruction de l’Etat d’Israël, avant qu’il ne soit trop tard.»

Contre l’avis de son chef d’état-major, qu’il a menacé de limogeage ; contre l’avis de la communauté internationale, qui a condamné quasi unanimement (excepté les Etats-Unis) son plan d’offensive ; contre l’avis, désormais, de sa propre opinion publique, Benyamin Nétanyahou s’obstine à poursuivre sa guerre à Gaza, terriblement meurtrière pour les civils palestiniens. Jusqu’à présent, le Premier ministre, est resté sourd à toute forme de pression – interne comme externe.

200 actions de protestation prévues

Pour le faire plier, «nous avons besoin de quelque chose de grand», prévient l’éditorialiste de Haaretz Yossi Melman : «Des centaines de milliers, voire un million de personnes devraient converger vers Jérusalem, encercler les institutions gouvernementales – la Knesset, le complexe gouvernemental, la Cour suprême – et y rester, estime le journaliste israélien. Pas seulement pendant quelques heures avant de se disperser pour aller prendre un café, mais aussi longtemps que nécessaire : une semaine, voire plus.» Près de 200 actions de protestation ont été planifiées ce dimanche, dont des rassemblements devant les domiciles des ministres ou des députés de la coalition au pouvoir ; une manifestation à la mi-journée sur Kaplan Street, à Tel-Aviv, qui avait déjà été le théâtre des grandes journées de contestation contre la réforme judiciaire, en 2023 ; puis une marche dans la soirée jusqu’à la place des Otages.

Le chef de l’opposition israélienne, Yaïr Lapid, soutient le mouvement. «Faites grève dimanche», a-t-il lancé sur son compte X, précisant s’adresser «même à ceux qui soutiennent le gouvernement» de Benyamin Nétanyahou. «Ce n’est pas une question de querelle ou de politique. […] Ce sont les familles qui l’ont demandé et c’est une raison suffisante», a-t-il ajouté. L’Association du barreau d’Israël appelle aussi à la grève. «Nous appelons le gouvernement israélien à écouter le chef d’état-major de l’armée israélienne [qui s’est opposé publiquement au plan de Nétanyahou à Gaza, ndlr], les voix de tous les chefs des services de sécurité et celles du peuple, à agir pour la libération des otages et à conclure un accord pour les libérer maintenant, avant qu’il ne soit trop tard», a déclaré le président de l’association des avocats, Amit Becher.

Parmi les 251 otages capturés lors de l’attaque sans précédent du Hamas en Israël, le 7 octobre 2023, 49 restent détenus à Gaza, dont 27 seraient morts, d’après Tsahal. En vingt-deux mois de guerre, les représailles de l’armée israélienne ont fait au moins 61 827 morts dans l’enclave palestinienne, en très grande majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par les Nations unies et les ONG présentes sur place.

La Histadrout ne participera pas

Des dizaines de collectivités israéliennes et de grandes entreprises, notamment du secteur de la tech, ont annoncé rejoindre le mouvement. Mais la principale centrale syndicale, la puissante Histadrout, a refusé de participer. «Si je pensais qu’une grève mettrait fin à la guerre, je le soutiendrai pleinement, s’est justifié lundi son président, Arnon Bar-David. Mon cœur déborde de colère, mais cela n’aidera pas.» Or sans la Histadrout, la perspective d’une grève générale en mesure de paralyser l’ensemble du pays semble difficilement atteignable. La centrale syndicale a décidé «ne pas arrêter l’économie à ce stade», mais demande aux entreprises de laisser les travailleurs participer aux «manifestations de solidarité» ce jour-là, sans les pénaliser.

En mars 2023, lorsque la centrale syndicale avait rejoint le vaste mouvement de contestation contre la réforme judiciaire de Nétanyahou, le Premier ministre israélien avait un temps suspendu son projet – l’une des rares reculades de celui qui a passé dix-sept années comme chef du gouvernement (dont douze consécutives), un record en Israël. Ce dimanche, ses opposants rêvent de faire converger pour la première fois dans la rue deux composantes de la société israélienne, qui se recoupent en partie : la masse des «démocrates» qui s’étaient levés en 2023 pour défendre l’Etat de droit, et la foule des Israéliens solidaires des familles de captifs, qui estiment que la guerre de Nétanyahou à Gaza est désormais insensée sur le plan militaire, et dangereuse pour les otages aux mains du Hamas et du Jihad islamique.

Selon les sondages, ces Israéliens favorables à la fin de la guerre et à un accord avec le Hamas permettant la libération des otages sont désormais majoritaires au sein de l’Etat hébreu. Cependant, ces mêmes études d’opinion indiquent que la coalition qui permet au gouvernement d’extrême droite de se maintenir au pouvoir est toujours aussi soutenue par ses électeurs. Autrement dit, bien qu’impopulaire, Benyamin Nétanyahou ne se sent pas politiquement en danger. La mobilisation de ce dimanche a pour but de lui prouver le contraire.