Soudain, les visages apeurés se sont illuminés. Peu après le coucher du soleil, les Gazaouis barricadés chez eux par peur des bombardements nocturnes sont descendus dans les rues. Pour chanter. Pour danser. Pour hurler leur soulagement, leur espoir. Pour célébrer une nouvelle qu’ils attendaient depuis de trop longues semaines. Après d’intenses et difficiles négociations, le Hamas a approuvé lundi soir la proposition de cessez-le-feu présentée par l’Egypte et le Qatar. «La balle est désormais dans le camp» d’Israël, qui a le choix «entre accepter l’accord de cessez-le-feu, soit y faire obstacle», a déclaré un responsable du mouvement islamiste, sous couvert d’anonymat. Lundi soir, Israël indiquait étudier «avec sérieux» la proposition d’accord.
Les scènes de liesse se sont multipliées dans les rues de l’enclave assiégée. Des vidéos tournées à Rafah, ville située à la frontière avec l’Egypte et où sont entassés plus d’un million de déplacés, montrent des hommes, des femmes et des enfants se prendre dans les bras, rire. D’autres sautillent de joie, les plus jeunes sur les épaules des plus âgés. «Allah Akbar» («Dieu est grand»), scande un homme, dont le visage est fendu d’un immense sourire. Alors que la nuit est en train de tomber, la rue est éclairée par les phares des voitures qui passent et ne boudent pas leur plaisir en klaxonnant. Des enfants pieds nus, tee-shirts rouge et bleu, crient «houdna» («trêve») le long des tentes où les familles sont réfugiées.
Dans l’attente de la réponse israélienne
Sur d’autres images, des Gazaouis tiennent un téléphone ou un appareil photo, immortalisant une scène qui pourrait, si Israël accepte cet accord, marquer l’histoire. «L’ambiance a changé. La peur et l’inquiétude se sont transformées en joie, en grande fête. Tout le monde est dehors, les gens tirent en l’air, témoigne Rami Abou Jamous, un journaliste gazaoui. La joie que je vois dans les yeux des gens, je ne peux pas la décrire, ce sont les yeux de gens qui quittent l’enfer pour aller au paradis.»
Les habitants restent tout de même sur la réserve, en attendant une confirmation de la part des autorités israéliennes sur un possible cessez-le-feu. Un responsable israélien cité par l’agence de presse britannique Reuters affirmait lundi soir que la proposition égyptienne «adoucie» n’était pas «acceptable» pour l’Etat hébreu. Quelques heures plus tôt, l’armée israélienne larguait des tracts ordonnant à une partie de la population à Rafah d’évacuer vers la zone Al-Mawasi, qui abrite déjà sous des tentes 350 000 personnes déplacées, et des bombardements commençaient.
Des images montraient des familles entières rassembler quelques affaires et se diriger vers cette étroite bande de terre côtière, qui ne dispose pas des infrastructures nécessaires pour accueillir un afflux de tant de déplacés. «Bien qu’une zone ait reçu un ordre d’évacuation, cela a eu un effet d’entraînement dans tout Rafah, car les gens effrayés cherchent désormais à trouver la sécurité là où il n’y en a pas», a déclaré à Al-Jazeera la porte-parole de l’UNRWA, Lousie Wateridge. Ce déplacement de 100 000 personnes laissait présager une offensive d’envergure sur la ville alors que les organisations humanitaires redoutent une catastrophe humanitaire sans précédent.
Alors que la nuit tombait sur Rafah, la liesse dans les rues ne faiblissait pas, l’espoir vivait.