Enfin libre. Après près de deux ans passés derrière les barreaux en Iran, Louis Arnaud est sorti de la sinistre prison d’Evin, à Téhéran, où il était détenu dans des conditions déplorables. Il a atterri jeudi 13 juin au matin à l’aéroport du Bourget, près de Paris, accueilli par ses parents, qu’il a longuement serrés dans ses bras. Ce consultant de 36 ans, qui visitait le pays lors d’un tour du monde, avait été arrêté en septembre 2022 avec d’autres Européens. Les autorités iraniennes l’avaient accusé d’avoir participé aux manifestations déclenchées à la suite de la mort en garde à vue de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans, pour un foulard «mal porté».
Si cette libération est un soulagement et une victoire diplomatique pour Paris, trois ressortissants français sont toujours emprisonnés en république islamique. «Je suis très heureux d’accueillir ici un de nos otages qui était détenu arbitrairement en Iran, a déclaré le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, lors de l’arrivée de Louis Arnaud, précisant que la France est «toujours mobilisée» pour obtenir la libération de Cécile Kohler, Jacques Paris et Olivier, dont le nom n’a jamais été rendu public.
768 jours d’emprisonnement
A plus de 5 000 kilomètres de Paris, ces trois Français sont toujours détenus dans la prison d’Evin, tristement célèbre pour ses conditions extrêmement difficiles. Cécile Kohler, 39 ans, et son compagnon, Jacques Paris, qui vient de fêter ses 70 ans, y sont emprisonnés depuis 768 jours. L’enseignante de lettres modernes et le professeur de mathématiques à la retraite ont été arrêtés le 7 mai 2022 alors qu’ils s’apprêtaient à rentrer en France après un séjour touristique en Iran. Ils ont eux aussi été accusés d’espionnage.
767 jours d’injustice, de calvaire pour #CécileKohler & #JacquesParis, otages d’État en #Iran, détenus dans des conditions indignes & destructrices.
— Isabelle Mas (@IsabelleMas1) June 12, 2024
Il est des silences assourdissants & insoutenables.
Réclamons haut et fort leur libération immédiate : https://t.co/Dn3T5ih3xi ✍️ pic.twitter.com/IXmbQrs72c
Depuis plus de deux ans, Cécile Kohler et Jacques Paris sont incarcérés dans des cellules différentes dans un quartier de haute sécurité de la prison d’Evin, la section 209, au même titre que les opposants politiques. Leurs proches dénoncent des conditions de détention «indignes», «destructrices» et «contraires au droit international». La trentenaire est notamment restée à l’isolement total pendant plusieurs mois, sans aucune interaction hormis avec ses geôliers, dans une cellule sans fenêtre. La lumière était allumée 24 heures sur 24 pour l’empêcher de dormir. Début février, l’ex-otage belge Olivier Vandecasteele témoignait de l’enfer vécu par les prisonniers en Iran : «Quand on est en isolement, on est juste avec soi-même. Pendant quelques semaines, c’est tenable. Mais ensuite, avec les mois qui passent, c’est difficile. C’est difficile… C’est une technique bien pensée pour briser l’âme de la personne.»
Lorsqu’ils ne sont pas seuls, Cécile Kohler et son compagnon partagent leur minuscule cellule – moins de dix mètres carrés – avec deux ou trois autres personnes. «Les autorités iraniennes mettent en place un système de rotation pour éviter qu’ils entrent en contact avec les autres, explique Martin Pradel, avocat des familles des prisonniers français en Iran. Ils vivent une situation terrorisante et sont complètement désorientés. Ils n’ont pas le droit de voir un médecin, ni de lire ou d’écrire. Jacques n’a plus ses lunettes. Tout est fait pour leur infliger de la souffrance. Et Téhéran veut que ça se sache pour obtenir des concessions de la part de la France.»
Deux mois sans nouvelles
Les contacts avec leur famille sont par ailleurs extrêmement limités. Les appels téléphoniques ne durent que quelques minutes, surveillés de près par les gardiens de la prison. Le dernier date du 13 avril, soit deux mois jour pour jour. Lors de cette discussion avec sa mère, Cécile Kohler a montré des signes d’épuisement. Depuis, aucun signe de vie du couple. «C’est la première fois depuis qu’on a appris leur incarcération que c’est aussi long. D’habitude, les autorités mettent au moins en scène un contact fugace. Là, il est probable que Cécile et Jacques n’aient même plus la force de dire quelques mots», craint l’avocat. Tout en se réjouissant de la libération de Louis Arnaud, la sœur de Cécile Kohler, Noémie, a déclaré ce jeudi être «très inquiète» par ce silence. Aucune information n’a fuité sur le troisième captif, Olivier, qui serait lui aussi détenu dans la prison d’Evin.
Ces derniers mois, la France a obtenu la libération de plusieurs «otages d’Etat» : la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah, le consultant franco-irlandais Bernard Phelan et le touriste français Benjamin Brière. «Il semble y avoir des discussions au plus haut niveau. L’espoir est permis pour Cécile, Jacques et Olivier, veut croire Martin Pradel. Mais plus le temps passe, plus les traumatismes risquent d’être profonds. En développant cette politique de la prise d’otages, l’Iran crée des dégâts terribles sur les individus.» Mercredi, Emmanuel Macron a appelé Téhéran à libérer «sans délai» les trois derniers captifs français.